10 décembre 2013
Carmen version intime

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Quatre chanteurs et un violoncelle, voilà le pari de Frédéric Roels  pour une Carmen en version de poche à l’Opéra de Rouen, qui se délocalise pour l’occasion à Sainte-Croix des Pelletiers, chapelle baroque transformée en salle de spectacles. Un bac de sable, des spectateurs de part et d’autre, le directeur de la maison normande a voulu dépouiller l’opéra de Bizet de tout son folklore hispanisant pour en faire ressortir la modernité la plus immédiate. L’héroïne de Mérimée se promène ainsi en short ultra court et blouson de cuir, accentuant malgré soi son image de croqueuse d’hommes, victime de son allure de fille facile. Si la réduction permet des raccourcis intéressants, le procédé, prisonnier de son concept, atteint ses limites quand Carmen troque sa danse à José et son « tralala » pour un plat « lalala » et des déhanchés timides, et négocie parfois difficilement certaines évolutions psychologiques des personnages.
Dans des conditions pas toujours favorables – en particulier le froid de la scène du fait de la coupure d’un chauffage à la soufflerie trop bruyante – il faut saluer le travail des chanteurs, et en premier lieu, celui de Catherine Lafont dans le rôle-titre. Authentique mezzo, elle s’attache à faire vivre sa Carmen et s’accommode de la tessiture quelque peu étrangère de la première version de la habanera, rajoutée au premier acte, avant la célèbre mouture définitive qu’elle interprète avec une incontestable aisance. Son excellent tempérament dramatique gagnerait cependant à plus de naturel dans l’élocution – le mot  « bourgeois » prononcé avec un accent de très bon genre détonne presque comiquement dans cette incarnation voulue plus « racaille ».

L’opéra à portée de tous

Don José au timbre clair, Carlos Natale se révèle tout juste au format de la petite salle. A côté, Vincent Billier incarne un Escamillo à la voix aussi assurée que la présence théâtrale. Quant à Jenny Daviet, elle campe une jolie Micaëla, intelligible quoiqu’ un peu gauche sur les planches. Avec des harmoniques très apparentés à ceux du gosier humain, le violoncelle (ce dimanche, Florent Audibert, en alternance avec Anne-Claire Choasson selon les représentations) accompagne efficacement le drame, mais peine à restituer la densité des couleurs du quatrième acte –  en particulier ses effets de foule. Par son budget très modeste, cette intéressante initiative tournera au printemps prochain dans la région normande, assurant ainsi une louable mission d’aménagement du territoire par la diffusion de l’art lyrique.
Gilles Charlassier
Carmen intime, Rouen jusqu’au 8 décembre 2013, puis en Haute-Normandie, printemps 2014.

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