22 décembre 2012
Carmen perdue dans la Bastille

Tapis rouge ce soir devant l’entrée de Bastille : c’est gala Arop pour le retour de Carmen à l’Opéra de Paris après plus de dix ans d’absence.Tout un aéropage de grands patrons et de ministres se presse ainsi au parterre pour cette enfant de Bohême blonde péroxydée façon Talons aiguilles huée lors de la première. Mais y avait-il vraiment de quoi ? Ainsi la production d’Yves Beaunesne, qui emprunte vaguement ça et là à l’univers d’Almodovar en resituant l’histoire à l’époque de la Movida, provoque-t’elle mais bien mollement…Pas ou peu de direction d’acteurs – l’héroïne se laisse étrangler comme Desdémone dans une robe de mariée que lui impose Don José, un sommet de statisme dans une scène censée être éruptive. Des éclairages pastels aussi vieillots et insipides que les uniformes franquistes – il semble que ce soit la marque de fabrique de la maison en ce moment…Après Carmen à l’Opéra Comique – le fonds baptismal du chef-d’oeuvre de Bizet –  il y a trois ans, Anna-Caterina Antonacci déçoit ceux qui attendaient une bohémienne forte en volume. Certains diront qu’elle n’a pas la couleur de voix du rôle, mais qu’importe. Son incarnation et de sa diction, jusqu’au murmure, sont une merveille d’intelligence. C’est une Carmen différente, accompagnée avec délicatesse par Philippe Jordan, qui jamais ne couvre les chanteurs. La partition sonne comme de la musique de chambre – tel solo de violoncelle semblerait sorti d’un quatuor à cordes. Un délice pour les oreilles si ce n’était cette tenace sagesse dont n’arrive pas à se départir notre directeur musical. Cela manque d’impulsivité, d’imprévisibilité. On échappe au folklore, mais la sauvagerie de Carmen  semble avoir disparu avec. A partir du 20 décembre, Karine Deshayes prend le relais. A voir quelle sera sa bohémienne… Mais une chose est sûre : elle n’est pas faite pour la trop grande salle de la Bastille. N’en déplaise à la bourgeoise assemblée de ce soir, la musique et l’économie ne partagent pas toujours les mêmes intérêts…

GL

Carmen, Opéra Bastille, jusqu’au 29 décembre 2012

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