28 mai 2013
Cannes, so what?

Qui a dit que les Américains étaient puritains? En pleine mobilisation en France autour du mariage gay qui, au passage aurait vraiment dû s’appeler PACS 2 vu l’amalgame qui est fait entre ce contrat et l’engagement que deux êtres prononcent devant Dieu, bref, alors qu’à Paris, ça défilait, Steven Spielberg, président américain du jury de ce 66 eme Festival a récompensé La vie d’Adèle, un film sur une histoire d’amour passionnelle entre deux lesbiennes. Autant dire que le bouche à oreille du vrai public lorsque le film sortira en novembre (aux Etats-Unis, il sera interdit au moins de 17 ans), retiendra surtout des scènes sexuelles d’une crudité absolue, n’en finissant pas et au final ayant bien peu d’intérêt dans ce film qui a l’outrecuidance de vous voler trois heures de votre temps. Du Pialat dit-on. Oui sans doute avec cette idée que tous les journalistes présents sur la Croisette reprenaient comme un seul homme: c’est du cinéma tellement vrai que ça n’en est plus. Soit. Le spectateur qui paye 10 euros pour voir un film n’est-il pas désireux au contraire qu’on lui montre autre chose que la vie, même si ce n’est pas la sienne?…Vous l’aurez compris, c’est abasourdi que JimLePariser s’est retrouvé en ma personne à être le seul à ne vraiment pas avoir aimé le film-et deux journalistes de Libé, ouf. Et du coup, découvrir la solitude…

Soyons Gay

Autre film susceptible de rendre fous les membres de l’association Civitas- occuperont-ils les salles de cinéma lors de la sortie de ces deux films?- la vie du pianiste gay Liberace réalisé par le grand Soderbergh, the Grand Candelembra,  qui signe là un film très moyen- espèrons qu’il ne laisse pas son public sur ça- avec toutefois un Michael Douglas qui aurait amplement mérité le prix d’interprétation. L’acteur américain qui a été juste avant le tournage victime d’un cancer,  est absolument exceptionnel dans le rôle de cette folle si fragile, liftée à mort tout comme ses jeunes amants ou son chirurgien esthétique. Là encore, certaines scènes sont assez explicites mais cela ressemble à Walt Disney pour qui a vu les filles qui ont remporté  la Palme d’or… Prix du jury, Tel père tel fils est en revanche un très beau film qui revient sur cette idée qui a fait les beaux jours du drôlissime La vie est un  long fleuve tranquille ou sur fond de conflit israëlo-palestinien avec le très beau film de Lorraine Levy, Le Fils de l’autre. Mais là où Chatillez s’amusait de la confrontation entre bourgeois et une famille très France profonde, le réalisateur japonais a lui choisi de se mettre sur un plan avant tout psychologique avec cette idée de découvrir si la paternité est une affaire de sang ou d’éducation.

Au nom du sang

« Tout s’explique donc » La phrase de ce père qui exige l’excellence chez son fils unique résonne tout au long du film avec des épouses-mères qui subissent bien plus qu’elles ne décident. Le Grand Prix aura une fois  encore récompensé  les frères Cohen qui, après six ans d’absence font un retour inspiré autour d’un chanteur de folk pré Dylan pour une mise en scène particulièrement élégante. Un looser qui promène sa guitare, un chat et ses désillusions se heurtant à la difficulté de percer et vivre décemment dans le Greenwich Village des années 60. La bande son est absolument sublime tout comme certains plans- l’odyssée vers Chicago, les passages chantés, bref, ces deux là savent assurément filmer, même si cet opus n’a rien de génial. Bérénice Bejo a remporté quant à elle le prix d’interprétation pour son rôle très fort dans le Passé-un beau cadeau du cinéaste iranien Asghar Farhadi, tandis que, si le Festival remettait des prix pour les espoirs, la très belle et présente Marine Vatch dans Jeune et jolie aurait sans doute été justement primée. Elle est absolument parfaite dans ce rôle de jeune fille qui tombe dans la prostitution de luxe ( il faut savoir que celle-ci sévit pendant le Festival avec 40 000 euros de gain pour les meilleures escort girls) à la fois par jeu et par défi face à des hommes vus avant tout comme des jouisseurs égoïstes.

Du rire, de la violence et du bling bling

Dans la sélection de la Quinzaine, Guillaume Galienne obtient le prix de la SACD avec  » Les garçons et Guillaume à table », où il réussit un film sans génie mais fort passable de ce que fut son adolescence, avec sa mère- qu’il a très judicieusement choisi d’incarner;  beaucoup de fous rires en tout cas dans la salle, ce qui a enfin mis de la bonne humeur au milieu de films pour la plupart rugueux comme Heli, d’une grande violence où les scènes de tortures sont quasiment insoutenables. Enfin, The Bling Ring de Sofia Copolla a ouvert la sélection Un certain regard avec un film contant le vide absolu avec un talent tel que le film le devient lui même-vide. Impossible par ailleurs de croire au scénario même si le gang a bien existé. Il était néanmoins très « raccord » avec l’ambiance des soirées cannoises et de sa faune de privilégiés, parfaitement en résonance avec le très mauvais film d’ouverture, Gatsby le magnifique qui fait actuellement un carton sur les écrans, et ces montées des marches tout en bling bling  dont nul ne sait si, à part quelques centaines de badauds, elles font encore rêver…

Par Laetitia Monsacré

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