2 décembre 2013
Butterfly en Avignon

Madame Butterfly est l’un des plus célèbres chefs-d’œuvre du répertoire lyrique, et c’est sans surprise qu’en ce mardi soir de novembre le destin de Cio-Cio San fait salle comble à Avignon, dans une nouvelle production réalisée par Mireille Laroche. Si le premier acte cède parfois à l’exotisme de carton-pâte – en particulier la scène du mariage avec ses stéréotypes, bien dessinés cependant –, l’économie de moyens de la seconde partie touche au cœur du drame, l’ensemble étant souligné par les lumières poétiques de Philippe Grosperrin – les stratégies pour éviter le choc de l’abandon à l’héroïne avec ses jeux de vénitiennes tiennent particulièrement en haleine, et le sacrifice final étreint avec la force et l’émotion attendues.
D’autant que la distribution fait la part belle aux gloires montantes. Applaudie avec réserve dans La Vestale, Ermonela Jaho se sent manifestement bien davantage chez elle dans Puccini, et incarne une Butterfly incandescente, dont le timbre corsé condense toute la fragilité de cette jeune fille abusée par l’amour. Le célèbre « Un di bel vedremo » remporte le succès escompté. Impulsif, sûr de lui, plein de la morgue du colon, le Pinkerton de Sébastien Guèze contraste avec la bonhomie de Marc Barrard, Sharpless aux manières conciliantes et au legato toujours égal et généreux. La balance des caractères gagnerait à davantage d’équilibre, mais l’on apprécie l’évolution psychologique des deux hommes, même si les mimiques faciales pourraient être plus subtiles, incontestablement conçues pour être regardées de plus loin que de l’avant-scène. Nul ne peut résister cependant aux accents de regret du jeune officier de marine à la fin de l’opéra, déchirants de sincérité.

L’éternelle jeunesse de Puccini

Le reste de la distribution ne démérite pas, avec la solide Suzuki de Delphine Haidan. Raphaël Brémard campe une parfaite caricature de l’entremetteur, exact portrait du lâche et opportuniste Goro. Pierrick Boisseau (le Commissaire Impérial), Olivier Dejean (Yamadori) ou Luc Bertin-Hugault (le Bonze) font partie de ces voix que l’on retrouve régulièrement avec plaisir sur les scènes françaises pour des rôles secondaires. Belle présence des chœurs, préparés par Aurore Marchand, et un orchestre bien tenu par Alain Guingal, baguette à la passion communicative à laquelle le public a, à juste titre, succombé. Preuve que les grands classiques gardent une vérité et une sincérité qui les empêchent de vieillir. Alors pourquoi les bouder lorsqu’ils sont si bien servis ? En témoignent des jeunes plus nombreux que ne voudrait le faire accroire la rumeur condamnant l’opéra aux seuls cheveux blancs…
GL
Madame Butterfly, Opéra d’Avignon, 17 et 19 novembre 2013

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