19 février 2012
Pile ou face

Ça commence par une erreur d’horaire. Et une affiche alléchante, la jolie Emma de Caunes, avec un titre énigmatique, Simpatico. De plus en plus de salles de théâtre proposent deux soirées, 19 heures-on est encore en forme mais il faut pouvoir quitter son travail tôt et 21 heures, là on a le temps de rentrer se changer mais la fatigue guette. Donc, ce jour là, au Petit Marigny, à 19 heures, ce n’était pas la fille d’Antoine de Caunes dans la pièce de l’auteur américain Sam Shepard mais Biyouna, une artiste-chanteuse, danseuse et actrice- une star en Algérie,  qui fait salle comble. La méprise passée, le hasard à qui l’on dit d’accord, et nous voilà assis dans une salle survoltée avec des youyous et des rires à l’envi. Bienvenu à bord d’Air le Bled avec la voix gouailleuse de Biyouna « qui parle, qui parle, c’est ma spécialité ». Il faut dire qu’elle en a bavé pendant ces « années noires, des années de cris sans bruit,  toutes ces insultes et cette colère stockées », mais pas le temps de s’apitoyer. Biyouna est du genre heureuse et cela est communicatif. « En France vous râlez trop. La crise économique? Nous, en Algérie, on la connait depuis qu’on est né; c’est comme une tante, elle rentre dans la maison quand elle veut! ». De temps en temps, des phrases en arabe, bientôt une scène de ménage avec sa voisine, ou une soirée improvisée avec des diapositives hilarantes, que ce soit clair,  Biyouna nous reçoit ici dans son salon. D’ailleurs, elle s’en grille une, tranquillement installée dans son canapé,  en s’excusant pour les non fumeurs, les fumeurs et les asthmatiques. « Et qu’est ce que je m’en fous alors! Je suis chez moi ». La salle est conquise; les visites imposées par sa mère chez le gynécologue rappellent alors, toujours sur le ton humoristique,  qu’être une femme musulmane- l’actrice a joué dans le très beau « la Source des femmes »- n’est pas chose évidente. D’un coup, la terreur surgit, l’espace d’un instant,  avant que le rire ne triomphe à nouveau et que cette heure passée ne paraisse si courte, trop courte. Une heure plus tard et dans la même salle-cette fois clairsemée- voilà ce qui ne risque pas de vous arriver avec Simpatico, cette pièce qui porte le nom d’un cheval de course. « Une heure trois quart, je n’aurai jamais du prendre le risque si j’avais su » dira en sortant  une spectatrice. On applaudit tout de même, sensible à la performance des acteurs qui n’ont pas démérité, mais quel ennui! L’histoire? Deux hommes ont monté un sale coup en échangeant un champion et un tocard sur les hippodromes dans le passé; ils sont liés par ce secret, l’un d’eux a les preuves et la pièce entière tourne autour du rapport de force entre eux, lequel s’inverse selon les moments choisis. Les femmes elles, Emma de Caunes et Claire Nebout font ce qu’elles peuvent pour pimenter l’intrigue qui ne parvient jamais à captiver. Sur scène, l’on passe des menaces aux supplications le tout en buvant beaucoup de whisky avec cette idée que les parieurs sont toujours les perdants. En tous cas, en l’espèce, ceux qui avait choisi cette pièce là et raté Biyouna, étaient effectivement de ceux là…

 

Par Laetitia Monsacré

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