18 novembre 2017
Belcanto à la française à Liège

D’instinct on associe les trois ténors du belcanto romantique, Rossini, Bellini et Donizetti, à l’opéra italien. Si la majeure partie de leur oeuvre est chantée dans la langue de Garibaldi, l’attraction de Paris, véritable capitale de l’art lyrique au dix-neuvième siècle qu’aucun compositeur ne pouvait ignorer – le Don Carlos de Verdi est ainsi une commande de l’Opéra de Paris -, a aussi laissé une empreinte non négligeable dans leur production. Avant d’être traduit en italien, le Guillaume Tell ou Le Comte Ory ont été écrits, sinon pensés, en français par Rossini. Il en est de mêle pour Donizetti, qui, outre la désormais relativement connue Fille du régiment, grâce à Natalie Dessay et Juan Diego Florez ces dernières années, a aussi donné La Favorite, que l’on redonne enfin dans sa langue originelle.

Sur un livret où a collaboré entre autres l’incontournable Scribe, inspiré par l’histoire espagnole, le spectateur est plongé en pleine Reconquista, où s’illustre Fernand pour gagner la main de la dame qu’il aime, Leonor, laquelle n’est rien d’autre que la maîtresse du roi Alphonse XI. L’honneur bafoué avec la complicité de courtisans jaloux, le chevalier finira dans un monastère, où il verra mourir à ses pieds la favorite repentante. De cette exaltation de grands sentiments qui plaît tant au Romantisme, Rosetta Cucchi a tiré une mise en scène efficace, dans un décor de science-fiction un peu datée dessiné par Massimo Checcetto, avec matelas gonflable translucides isolant la salle du trône ou tapissant le plateau, remplis de silhouettes porte-manteaux, tandis qu’un mur de casiers sert de coffre-fort à cryogénisations de plantes disparues, gardées par des religieux. L’uniforme albinos des coiffures féminines, également un peu années soixante-dix ou quatre-vingt, n’ajoute guère d’attrait à une lecture qui a besoin d’une note introductive pour en comprendre des tenants et aboutissants probablement superflus.

La musique d’abord

Heureusement, l’opéra est d’abord musique, et, sous la baguette de Luciano Acocella, l’Orchestre de l’Opéra de Liège fait respirer la vitalité d’une partition où l’on devine ça et là emprunts et allusions, à Donizetti lui-même,  voire même à la Norma de Bellini. Cette sensibilité au génie du compositeur est secondée par des choeurs préparés avec soin par Pierre Iodice, particulièrement attentif à la clarté de la diction, qualité que l’on aurait aimé retrouvé chez les solistes. Dans le rôle-titre, Sonia Ganassi ne démérite pas à cet endroit, et imprime une intensité dramatique admirable, qui trouve à l’heure du trépas une vérité stylistique et expressive de premier plan, entre finesse de la ligne et frémissement du sentiment, que l’on apprécierait dans d’autres français – on s’est pris à songer à la mort de la Didon des Troyens de Berlioz. En Fernand, Celso Albelo magnifierait son évident et généreux lyrisme en améliorant la précision de son articulation. Mario Cassi impose une autorité évidente en Alphonse XI, parfois d’excellente tenue. Ugo Guagliardo n’en montre pas moins en Balthazar. Le Don Gaspar vindicatif revient à un Matteo Roma jeune et vaillant, quand Cécile Lastchenko incarne une Inès sans reproche. On ne fera pas mentir l’adage : prima la musica

Par Gilles Charlassier

La Favorite, Opéra de Liège, jusqu’au 28 novembre 2017

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