27 février 2012
Le chant du cygne

Madeleine Renault avait crée le rôle de Winnie au Théâtre de l’Odéon. Catherine Frot s’y attaque cinquante ans plus tard, avec cette assurance joyeuse qui n’appartient qu’à elle. La salle est pleine pour la voir, engoncée dans un monticule qui occupe toute la scène, lui faisant une jupe monstrueuse, prison à laquelle son frêle buste tente de résister. D’un grand sac à coté d’elle, elle sort quantité d’objets telle Mary Poppins. Elle est gaie, se brosse les dents, et tente de parler avec son mari, Willy, plongé dans son journal. Parler pour briser le silence, se sentir vivante; les banalités sont enfilées telles des perles jusqu’à l’absurde. « Met ta toque, il n’y a plus que cela à faire ». Winnie lutte, seule, face aux spectateurs. « Mais qu’est ce que je vois là? On dirait de la vie! Une fourmi vivante! ». Beckett s’amuse avec le rien, le vide et cette femme qui fait de son mieux pour s’en sortir, qui joue le jeu, avec un entrain désabusé que Catherine Frot rend merveilleusement palpable. Le noir se fait. La salle se rallume et là, seule la tête est encore à l’air libre. Winnie a cherché à tuer le temps mais celui ci est en train de l’emporter. Elle a perdu ; sa voix s’élève alors, une dernière fois:

« Heures exquises qui nous grise lentement!
la caresse la promesse du moment!  »
l’ineffable étreinte de nos désirs fous
tout dis:gardez-moi puisque je suis à vous »

LM

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