4 février 2013
Beaubourg/ Dali fait son show

« Je suis l’incarnation de Pollux ». Au dernier étage du Centre Pompidou, vous pouvez entendre l’artiste schizophrène s’autoproclamer « fils de Zeus ».  30 ans après la rétrospective que le musée lui avait consacrée, en 1979, Salvador Dali revient. A cette date, l’artiste était encore vivant. Aujourd’hui, c’est lui qui vit dans l’œuvre avec  200 chefs-d’œuvre réunis pour cette exposition hors du commun.
Ainsi, on entre ici comme on entre dans la vie : un fœtus en guise de sas, de forme ovoïde évoquant la vie intra-utérine, avec à la sortie, la voix aliénée de Dali qui résonne.

« Le porc c’est moi »

Mais, garde! les tableaux de Dali ne sont pas à mettre devant tous les yeux; des parents tentent d’ailleurs d’éviter que les enfants ne déchiffrent les noms des tableaux comme le Grand masturbateur…Un peu plus loin, L’Angelus de Millet, revu et corrigé par le maître « catholique-apostolique et romain artiste ». Les paysans, endeuillés, se tiennent dans une position plutôt compromettante, à l’image de la brouette que la femme tient à bout de bras. Mais le meilleur reste à venir : non loin du Spectre du Sex Appeal de 1934,  un objet « surréaliste à usage symbolique » à de quoi séduire…  Le Veston Aphrodisiaque, saison automne-hiver 1936, agrémenté de crème de mouche, à servir chaud de préférence !
La libido, chez Dali, n’est jamais très éloignée des pulsions de mort. Le médecin légiste et Dali, même combat ?

Chirurgien esthétique

Le Chien Andalou, projeté dès l’entrée de cette exposition surréaliste, vous jette dans l’ambiance. Né de sa rencontre avec Luis Buñuel, ce film marque un tournant – sanglant- dans son esthétique. Il se livre alors, en croque-mort, à des peintures macabres où gisent les organes traversés de leurs circuits sanguins qui hantent la salle. Vous allez assister, médusés, à toutes ces iconographies de « putrefaits » ou « pourris » qui ne sont pas sans rappeler l’esthétique baudelairienne et son fameux poème « Charogne ».
Vous ferez moult découvertes sur la vie de l’énergumène de génie qui ne se baladait plus sans son caducée-vivant, composé de deux charmants serpents. Un spectateur raconte d’ailleurs que son aïeul se rendant dans l’habitacle du peintre, était tombé nez à nez avec une panthère – qui n’est pas pour autant son animal préféré. On vous laisse le suspens !

« L’homme spectacle » à l’écran

Inaugurateur d’œuvres éphémères, Dali est le précurseur des « happenings ». La fin de sa carrière hisse Dali lui-même en œuvre d’art, sur un écran. Parlant de lui à la troisième personne, l’artiste se met en scène de manière hilarante. Tous les spectateurs éclatent de rire. Ne passez surtout pas à côté de cette salle obscure où est projeté « l’autoportrait mou de Salvador Dali mangeant du bacon grillé »(1966). C’est le clou de votre déambulation.
Un animateur télé comme lui, on n’en voit pas tous les jours. Rire assuré en regardant dans l’avant-dernière salle, Dali faire son show médiatique à l’écran. On comprend que le pop-art accouche du cerveau dérangé dalinien. Anticipateur de la culture de masse, cette exposition nous montre combien cet espagnol fou est encore moderne et donne surtout l’impression qu’il est encore bien vivant.
Après être passé par le photomaton made by Dali et avoir immortalisé cette expérience hallucinante, vous sortirez de la coquille par ces mots d’adieu : « je veux bien renoncer aux béatitudes éternelles pourvu que dans l’éternité, je me souvienne de tout »
Une belle exposition-expérience que vous avez jusqu’au 25 mars pour découvrir, les réjouissantes moustaches de Dali en prime.

 

Par Elodie Terrassin

Dali au Centre Pompidou de 11h à 21h sauf le mardi, jusqu’au 25 mars



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