19 septembre 2022
Bach à vif au Festival d’Ambronay

Le Festival d’Ambronay compte parmi les manifestations pionnières dans la défense de la musique ancienne sur instruments d’époque, pratique devenu désormais une référence. Et s’il est un compositeur dont l’approche a été ainsi renouvelée, c’est bien Bach, dont les Passions comptent parmi les sommets du répertoire. Pour le premier des quatre week-ends de l’édition 2023, l’Abbatiale résonne de la ferveur de la Saint-Jean, défendue par Louis-Noël Bestion de Camboulas et son ensemble Les Surprises, dans une étape d’une tournée reprenant un programme donné pour la première fois en 2022.

A rebours de certaines traditions plus solennelles, la présente lecture affirme dès le choeur initial et ses effets de foule une irrésistible vitalité dramatique, qui s’appuie sur des tempi allants. Cette vision, qui donne à la narration des derniers jours de la vie du Christ une humilité et une humanité renouvelées, s’articule autour du récit de l’évangéliste que Davy Cornillot déclame de mémoire – une performance exceptionnelle quand on sait la longueur du rôle – avec un investissement et une expressivité retenue où la vérité du sentiment se substitue aux articulations plus théâtrales auxquelles certains évangélistes nous ont parfois habitués.

Sans être réduite à une dimension chambriste, avec un peu plus d’une quinzaine de pupitres instrumentaux, l’approche privilégie la cohésion collective d’un choeur à douze voix, par trois dans chacune des quatre tessitures – option d’interprétation nullement inédite et qui sied particulièrement à la Passion selon Jean, à la trame plus resserrée que la Saint-Matthieu où les épisodes sont plus développés – à partir de laquelle émergent les interventions solistes. Avec une souplesse instinctive dans la texture orchestrale qui permet un enchaînement des numéros accentuant le frémissement de la foi, la fluidité dans la conduite du discours accompagne cette respiration commune où la polyphonie se fait d’abord émotion.

Une Saint-Jean à hauteur d’homme

Deux personnages historiques se distinguent et contrastent par deux personnalités différentes de basse. En Jésus solide mais non monolithique, Jean-Christophe Lanièce fait valoir une clarté dans l’intonation, au diapason d’une conception musicale privilégiant une spiritualité à hauteur d’homme, tandis que les interventions du Pilate par Etienne Bazola affirment d’abord une générosité plus frustre dans le grain vocal. Paco Garcia ne néglige pas l’équilibre entre inquiétude et espérance dans les airs dévolus au ténor, servis avec une sobriété saine sans être effacée. Blandine de Sansal offre un alto homogène, quand les deux sopranos solistes, Eugénie Lefebvre et Cécile Achille se révèlent complémentaires, la seconde décrivant avec une lumineuse intériorité la détresse de l’âme du croyant dans la déploration de la mort du Christ, juste avant la conclusion chorale de cette Passion selon Saint-Jean marquée par la sincérité.

Coïncidant, comme de coutume, avec les Journées du Patrimoine, ce premier week-end propose, en marge des concerts et de ce point d’orgue Bach, plusieurs activités pour redécouvrir l’Abbaye. Si la visite guidée décalée n’évite pas toujours le cabotinage, les évolutions de deux acrobates sur la façade de la tour, accompagnées par des sonorités baroques séduit autant les amateurs que les novices, qui peuvent se voir ainsi offrir une porte d’entrée pour la musique. A Ambronay, les partitions sortent parfois de la page.

Par Gilles Charlassier

Festival d’Ambronay, du 15 septembre au 8 octobre 2023, concert du 16 septembre 2023.

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