22 juillet 2013
Prune Lichtlé/ Avec toute sa sympathie

Elle s’appelle Prune. Elle s’appelait Françoise. Toutes deux sont descendues à Avignon pour ce mois de juillet 2013 pendant lequel comme chaque année la Cité des Papes devient une incroyable cour des miracles où les sollicitations sont légion et sans répit. Elles ont trouvé refuge au Théâtre du Roi René qui, après le Lucernaire à Paris, les accueille chaque soir à 20h30. Toutes deux? Elles? On ne peut parler en effet de l’une sans la dissocier de l’autre tant elles semblent s’être « trouvées ». Prune Lichtlé, Françoise Sagan. Denis Westhoff, le fils de celle qui disait être « un accident qui dure » ne s’y est pas trompé; à la lecture de cette pièce qui ne pouvait se monter sans son accord, il a adoubé Prune. Forcément se dit-on lorsque l’on voit Ma Sagan, ce « seule en scène »,  une pièce-hommage jouissive et emplie de tendresse, « là où se teste la véritable intelligence » comme avait coutume de dire Françoise Sagan. L’occasion de retrouver sa pensée clairvoyante et ô combien moderne, avec cette idée que l’intelligence à ce degré d’humanité ne souffre pas des années.

Comment avez-vous rencontré Sagan?

Elle fut pour moi un antidote. Je l’ai découverte suite à un chagrin d’amour; l’homme qui en était l’origine m’a dit: « Lis Sagan ».  J’ai commencé par Un certain sourire,  Aimez-vous Brahms? et Les bleus à l’âme. Puis, au hasard d’un vide-grenier aux alentours de Manosque, je suis tombée sur  Répliques, un recueil d’interviewes et de textes d’elle.

Elle sort alors de son panier plein de tracts pour sa pièce une vieille édition du livre tout annoté, comme une relique qui l’accompagnerait partout.

C’est comme si j’avais eu rendez-vous avec elle. Elle est devenue une compagne, rentrant sous ma peau ou elle sous la mienne. Je me suis alors amusée à réfléchir par elle et comme elle. Cela m’a soignée.

Sagan, le meilleur des antidépresseurs?

Elle a fait toute sa vie l’effort de la légèreté avec cette idée de politesse par rapport à la vie et les autres. Ne pas se plaindre, ne pas juger. Cela m’a paru admirable. L’énergie de la plainte n’est pas bonne… Aujourd’hui, on se croit très intelligent si l’on est capable de juger vite, d’avoir immédiatement un avis sur tout. Sagan était, elle, très douce, très tendre, considérant que le début de l’intelligence est avant dans la  compréhension des autres.

Comment vous êtes-vous  lancée dans cette aventure d’écriture, de mise en scène alors que vous étiez jusqu’alors uniquement comédienne?

J’ai mis quatre années à écrire la pièce et c’est finalement cet homme qui m’avait conseillé de la lire qui m’a mise en scène! Avant cela, Répliques était devenu mon livre de chevet; j’ai commencé à la citer à la cantonade au comptoir du Refuge, un café où j’ai mes habitudes à Montmartre. Ça a tout de suite « mordu ». Non seulement Sagan me parlait mais elle parlait aussi aux autres, en ouvrant la voie vers une liberté sur laquelle la France actuelle fonctionne encore, sans qu’elle ne s’en rende compte. Son écriture est par ailleurs presque « mixte »-un homme aurait pu écrire ce qu’elle dit sur la vie, la société. A la première lecture à la SACD, les gens sont ressortis en pleurant ou en riant, c’était incroyable.

Vous avez alors trouvé une vraie salle de théâtre…

Oui, mais en en payant la location comme c’est de plus en plus l’usage… Si on remplit à moitié, on se rembourse et c’est seulement au-delà que l’on gagne de l’argent. J’ai alors eu la chance de rencontrer Gilles Caussade, producteur et mécène… Il est seulement  aujourd’hui, soit un an et demi après le début de l’aventure, en train de se rembourser malgré le succès de la pièce et les critiques que nous avons eues entre le Petit Hébertot et Le Lucernaire.

Et  Avignon?

Une folie, un  vrai geste « saganesque »… Un mois ici, c’est en effet un budget de 25 000 euros entre la location de la salle, le logement, les tracts. Maintenant j’ai eu la chnace d’avoir des « anges »: André Diot pour les éclairages, une vraie star qui travaille entre autre depuis 25 ans avec Patrice Chéreau et puis mon parrain que je n’avais pas vu depuis vingt ans, Michel Champetier, un publiciste. Je lui ai dit que cela compenserait avec tous les cadeaux que je n’avais pas eus de lui!

Descendre ici est si important? Vous avez pourtant eu tous les succès à Paris, le public, la critique…

Avignon offre une incomparable visibilité. C’est la plus grande concentration théâtrale qui soit avec des professionnels qui viennent ici faire leurs courses. Car, le festival est avant tout un marché; on touche ici la province, la Belgique. Reste que le  public est aussi nécessaire dans la salle pour avoir son énergie en face. Et puis pour les professionnels c’est important de sentir la salle, voir comment les gens réagissent.

Le PAC glace est fini, ce sirop de citron qui est une spécialité locale, sans sucre. Prune est prête à repartir tracter dans la ville, vendre sa pièce, sa Sagan. Puis, ce soir comme tous les autres jusqu’à la fin du mois, elle entrera en scène, sera tantôt grave, tantôt drôle-selon, jouant avec une simple écharpe autour d’une commode, le talent ayant besoin de peu d’accessoires lorsqu’il est bien là. Sagan l’avait vite expérimenté et sans doute, serait ravie de cette heure qui permet d’être en si bonne compagnie…

 

Ma Sagan, tous les soirs jusqu’au 31 juillet au Théâtre du Roi René à 20h30 tarif 17 euros 04 90 82 24 35

 

Par Laetitia Monsacré

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