6 décembre 2017
Automne musical new-yorkais

Ce n’est pas parce que les feuilles tombent sur Central Park qu’il faut se laisser aller. Le New York Philharmonic, à deux pas au Lincoln Center, offre une belle opportunité pour oublier l’arrivée de l’hiver, en participant aux célébrations du centenaire d’un des plus new-yorkais des compositeurs, Bernstein, lequel dirigea d’ailleurs dans les années soixante la phalange qui compte au nombre des « Big Five » américains, surnom donné dans les années cinquante aux meilleurs orchestres d’Outre-Atlantique – Boston, Philadelphie, Cleveland et Chicago en plus de la Grosse Pomme.
En ce soir d’Halloween, Alan Gilbert, directeur musical jusqu’à la saison passée, ouvre le concert avec une première américaine d’une pièce d’un compositeur néerlandais, Joey Roukens, Boundless (Homage to L.B.), dans le titre de laquelle on reconnaît les initiales de Bernstein. En trois mouvements joués sans interruption, la brève symphonie d’environ un quart d’heure inscrit un adagio, Glacially, entre deux mouvements vifs et rythmés – Manically et Propulsively. Plutôt que céder à la tentation de la citation, l’ouvrage s’inspire librement de deux des numéros du cycle Thirteen Anniversaries que Bernstein dédia à ses amis entre 1965 et 1988. On y reconnaît une indéniable maîtrise de la dynamique orchestrale, mise en valeur sans retenue, et ne mendie aucun gage de modernité – inutile dans un pays indifférent aux querelles d’avant-garde – autre que celui de l’efficacité. Dans la Serenade que Bernstein écrivit en s’inspirant du Banquet de Platon, le violon de Joshua Bell s’attache avec sensibilité à la variété expressivité des cinq morceaux, aux humeurs contrastées, dans une imitation à la fois spirituelle et sensuelle des descriptions de l’amour par les personnages du texte du philosophe grec. Après l’entracte, sa Symphonie n°1 Jeremiah, impose un changement de climat, plongeant dans un recueillement intense, porté par Kelley O’Connor et, jusqu’à la saturation, par la direction vigoureuse, presque monolithique, du chef américain.
Quelques semaines plus tard, le New York Philharmonic célèbre à nouveau la création contemporaine, avec une commande à Bent Sorensen, Evening Land, en ouverture d’une soirée où Emmanuel Ax s’attable au Concerto pour piano n°27 de Mozart, distillant les nuances du génie autrichien, sous la houlette de Christoph von Dohnanyi. La Deuxième Symphonie de Brahms fait entendre la plénitude sonore qui distingue la formation new-yorkaise, et rend justice à la densité orchestrale, pour ne pas dire germanique, de l’oeuvre. Assurément, les amateurs de son puissant se donneront rendez-vous au David Geffen Hall.

Par Gilles Charlassier

New-York Philharmonic Orchestra octobre-décembre 2017

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