1 août 2014
Arles, l’indolente, miroir du monde

img_8198

Dernière étape de ce triple A des Festivals-après Aix et Avignon- Arles et ses Rencontres de la photo. Chaque été et jusqu’à fin septembre, elles offrent un tour du monde fascinant à travers des dizaines d’expositions, avec pour cette 45ème édition, un véritable feu d’artifices visuel nommé Parade-la dernière pour son formidable directeur François Hébel- qui a invité à « revenir »pour l’occasion les grandes figures de la photographie-David Bailey, Raymond Depardon, Lucien Clergue, Martin Parr, ou encore l’incontournable et talentueux enfant du pays, Christian Lacroix. Avec en main l’indispensable dépliant-plan de la ville, un forfait journée-29 euros- et la découverte de la nouvelle affiche de Michel Bouvet, merveilleux illustrateur auquel ce festival est fidèle édition après édition, la course contre la montre commence. La ville est heureusement petite mais que d’images à découvrir; on voudrait aller vite mais sans cesse le regard s’arrête, on cherche le commentaire, on s’émerveille ou l’on se scandalise devant ces images, leur originalité, leur humour ou la force de leur témoignage. Centenaire de la Première Guerre Mondiale oblige,  l’Eglise des Frères Prêcheurs accueille les grands formats de Raymond Depardon, Présence d’une génération perdue, consacrés aux monuments aux morts-« des condensés de cimetière » qui ont été érigés dans chaque village français. Jouant l’interactivité, le célèbre photographe a mobilisé afin que chaque français puisse s’improviser photographe (« se mettre dos au soleil » précise-t’il dans le protocole) et envoie une photo de « son » monument aux morts- 5 000 sur les 40 000 que l’on trouve en France. Le résultat est magnifique offrant aux photographes anonymes leur « festival » à côté des professionnels comme Léon Gimpel, photoreporter de renom et génial metteur en scène en aout 1915 des enfants de la rue Greneta à Paris; des scènes de guerres sous formes d’autochromes, dont la violence est atténuée par la poésie des visages d’enfants.

Lucien Clergue, Richard Avedon

Non loin, le Musée Réattu accueille Lucien Clergue, autre enfant du pays, également à l’honneur dans le Parc des Ateliers, entre photos de Picasso, de Langages des sables et de nus époustouflants de beauté. Dans ces anciens ateliers SNCF déjà en travaux pour accueillir l’an prochain la Fondation Luma dont le complexe a été confiée à Frank Gerhy (Musée Guggenheim de New York et Bilbao, future Fondation Vuitton) les Pays-bas ont une espace dédié avec Small Universe. Notre préféré, Hans Eijkelboom, et sa série Dans le journal, où dix jours durant il a suivi le photographe localier pour apparaitre dans un coin de la photographie de Une du quotidien- absolument irrésistible. A quelques mètres, à travers la fin du Philadelphia Enquirer, c’est un témoignage bouleversant de la fin du journal papier aux Etats-Unis que l’on découvre sous l’objectif de Will Steacy. Quant à la photographe allemande, Katharina Gaenssler, elle présente dans l’Atelier de Chaudronnerie ses photomontages incroyables qui semblent entrer en résonance avec ceux du brésilien Vik Muniz, à voir dans l’Eglise des Trinitaires.  A l’espace Van Gogh, Richard Avedon et The Family, portraits réalisés en 1976 en noir et blanc de  Reagan, Bush, Kennedy ou Ford cohabitent avec des photos des manifestants d’Occupy Wall Street ou celles d’Ai Wei Wei et de Zhang Huan. La Chine est d’ailleurs particulièrement à l’honneur dans le Bureau des Lices, avec une foule de clichés historiques ou de propagande,  à découvrir à la lampe de poche. Bon baisers des colonies regroupe les cartes postales du début du siècle donnant à voir les femmes africaines dénudées, les mauresques-voilées ou encore les tonkinoises ou autres « congaï » tandis que le Palais de l’archevêché s’est couvert des centaines de photographies de groupes, issues de la collection de W.M.Hunt, un américain passionné de cette typologie: remise de diplômes, parades, meeting, chorales voilà des « arpèges visuels » en noir et blanc, époustouflants dans leur maîtrise et de ce qu’ils montrent du XIX ème et XX ème siècle. A l’Abbaye de Montmajour, les magnifiques portraits en noir et blanc de Patrick Swirc dialoguent avec ceux de Vincent Perez, le comédien, qui prouve ici son indéniable talent de photographe.

Et Van Gogh…

Retour en centre ville où, au détour du Cloitre Sainte Trophine, c’est une dizaine de jeunes filles qui chantent les amours de Tristan et Iseult- des chants médiévaux à écouter religieusement après les accords baroques de Michael Glasmeier, génial DJ qui, loin du look de David Guetta et de ses tubes électroniques, remixe la musique baroque avec virtuosité pour un résultat époustouflant. Un concert proposé par la Fondation Van Gogh qui, en plein centre-ville, dans un  hôtel particulier qui abritait jusqu’alors une banque, a su trouver un lieu des plus inspirés grâce à l’architecture imaginée par l’agence Fluor. Et comme les fées se sont penchées sur le berceau de cette fondation-musée inaugurée en avril dernier et qui accueillera également des artistes en résidence, c’est grâce à un contrat de quatre ans avec le Musée Van Gogh d’Amsterdam que les salles se sont remplies d’oeuvres du peintre à la cote désormais inatteignable. Dans cette première exposition baptisée Couleurs du Nord, Couleurs du Sud qui met en perspectives les oeuvres de Corot, Pissaro ou encore Monet, on évoque les débuts marqués par des couleurs sombres- on n’a pas beaucoup de lumière en Hollande-du célèbre peintre, puis sa découverte des couleurs vives en arrivant à Paris et plus encore, à Arles. Il resta là 444 jours et réalisa plus de 200 toiles, aquarelles et dessins. Après avoir franchi le beau portail de Bertrand Lavier, c’est donc une série de toiles du XIX eme siècle mais également d’artistes contemporains dans ce Van Gogh Live! qui sont à découvrir, avec cette idée que Van Gogh est toujours bien vivant, notamment avec les produits dérivés. Une terrasse avec vue sur la vieille ville, une boutique avec de très beaux objets comme ce porte crayons en forme de parpaing, la visite est un régal et fera sans nul doute ce musée un des incontournables du « sud culturel » à l’image du Carré des arts de Nîmes. L’occasion d’y retourner l’an prochain avec plaisir…

LM

Les Rencontres d’Arles, jusqu’au 21 septembre 2014- voir www. rencontres-arles.com

Fondation Van Gogh, voir www.fondation-vincentvangogh-arles.com

Articles similaires