19 juillet 2014
Aix la belle, de Bach à Cezanne

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Dès l’arrivée devant la Cour de l’Archevêché, la couleur est donnée. Rouge comme le Festival d’Aix en Provence, en colère comme les intermittents. « Culture en danger », on échappe au discours lu sur scène; à la place dans le programme, un texte glissé pour rappeler que c’est avant tout le travail précaire et les laissés pour compte que le mouvement défend-pas que les gens du spectacle. A part la soirée inaugurale du Turc en Italie, ni la Flute enchantée ni Ariodante, les deux autres opéras de cette édition 2014 n’ont eu à subir les foudres des grévistes. Ce jeudi soir, la soirée glissera comme un songe, la Cour prenant des airs de la Roque d’Anthéron avec un piano de concert noir, impérial sur la scène où Alexandre Tharaud prend place, silhouette d’adolescent, accompagné de son « tourneur » de pages. Il est 22 heures, l’Aria des Variations Goldberg de Bach s’élève, accompagné non par les cigales mais les oiseaux tandis que la nuit tombe. C’est « pour le divertissement de l’âme des amateurs » que Bach écrivit cette partition aux chevauchements de mains périlleux en 1742 et que le jeune claveciniste Golberg aurait joué à un Comte chaque soir afin qu’il s’endorme. Les quelques têtes qui piquent du nez dans l’assemblée, marquant un silence des plus respectueux seront donc prises pour un hommage au talent du compositeur et de l’interprète qui, une heure durant, décline la partition avec un égal bonheur.

Cézanne en son jardin

Le bonheur, ici c’est également de retrouver le magnifique Musée Granet, avec la collection Pearlman, un Américain à l’oeil très sûr qui commença par Cézanne avec des toiles frôlant l’abstraction puis se passionna pour Soutine. « Si je voulais un tableau, il fallait que je l’ai et rapidement ». Ainsi, ce portrait de Cocteau par Modigliani que le poète paya et laissa à l’artiste sous prétexte qu’il ne rentrait pas dans le taxi; il ne revint jamais le chercher. A quelques mètres de là, dans le quartier dit Mazarin, sans doute le plus beau d’Aix, voilà l’hôtel de Gallifet, ravissant hôtel particulier dédié à l’Art moderne avec une courte exposition sur l’Arte Povera- c’est surtout pour le jardin et sa carte avec un gaspacho aux pommes d’amour qu’il faut venir ici. Pour voir de l’art contemporain, il faut sortir d’Aix, et ne pas manquer la Fondation Vasarely, en travaux (elle en a bien besoin), mais unique dans cet esprit « show room » voulu par le maitre de l’art cinétique, vaste immeuble présentant fresques et tapisseries murales et une exposition sur le Vénézuelien Cruz Diez qui a su faire venir avec bonheur cet art dans la ville comme Place de Venezuela à Paris. Autre lieu, beaucoup plus flamboyant, vignes et merchandising oblige, le Château La Coste, à côté du Puy Ste Réparade. La route qui y mène est un enchantement, passant par l’atelier de Cézanne, un lieu plein de poésie et d’émotion avec toujours l’odeur de la peinture à l’huile- « on triche un peu »- et son jardin sauvage où l’on donne des films en plein air comme Les demoiselles de Rochefort. Le terrain des peintres, à quelques mètres de là offre encore une magnifique vue sur la Montagne Sainte Victoire, malgré l’urbanisation pour le mois envahissante.

De l’art et du vin

C’est donc après une demi heure de voiture qu’on est enfin dans la campagne qui inspira tant les peintres et que l’on découvre la cuverie posée au milieu des vignes et imaginée comme un vaisseau spatial par Jean Nouvel. Le domaine qui appartient à une riche famille irlandaise est une démonstration de ce qui se fait de plus inspiré en matière d’architecture avec un centre d’art / restaurant dessiné par Tadao Ando ( architecte japonais auquel on doit la Douane de Mer de François Pinault à Venise) et deux heures de parcours dans les vignes pour découvrir les oeuvres de Serra, Scully, Othoniel, Prouvé ou encore Calder et Louise Bourgeois dont l’araignée majestueuse vous accueille à l’arrivée. Bref, la provence comme on l’aime, les yeux et les papilles à la fête (on recommande à tous ceux qui médisent sur le rosé, leur cuvée 2011), plus le soleil, celui que tous ceux qui descendent dans le sud viennent avant tout chercher…

LM

 

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