16 octobre 2012
Adoucissante de vie

Avec sa voix capable de vous séduire n’importe quelle oreille, Noëlle Bréham aurait pu faire carrière sur FIP, cette radio qui fait passer les embouteillages pour des alexandrins. Oui, mais voilà, lorsque l’on a débuté par le théâtre, on a besoin de textes…De l’Oreille en coin aux Petits bateaux, la vie quotidienne lui a offert des petits brimborions qu’elle a su saisir mieux que personne, dans ces éditos où elle « fait feu de tout bois » et qui ouvrent son émission sur France Inter tous les dimanches soir. Et comme avec ce bonheur qu’elle a d’écouter l’autre, elle aurait pu être jardinier des « âmes », c’est avec de vraies fleurs qu’elle invite chaque semaine les téléspectateurs de France 5 à une heure de bonne humeur et de partage-un « vrai rôle d’improvisation » en compagnie de Stéphane Marie. Voilà ce qu’elle fait encore pendant cet interview dans un joli café à la décoration très « Cocotte »-merci Jacques Garcia- où l’énergie circule comme rarement, avec cette impression que l’on reçoit autant que l’on donne. Le « Fair exchange » comme l’on dit…

Comment faites-vous pour que vos émissions aient cette longévité à l’antenne-dix ans pour Silence ça pousse, Les Petits Bateaux-quinze ans?

Je suis une lente; je mets du temps à démarrer, à progresser, je fais tout lentement! Alors forcement je suis dans des émissions qui s’installent tranquillement. On m’a dit que c’était lié à mon signe astrologique-Capricorne…Je n’ai rien d’un bélier qui fonce. Le privé n’est donc pas fait pour moi. Et c’est un vrai plaisir d’évoluer avec l’émission, chaque jour est une découverte.

Lorsque l’on vous a dit que l’émission était sur le jardinage-à l’époque c’était la première du genre-qu’avez-vous pensé?

J’étais complétement perplexe, sauf que je me suis dit qui dit jardinage dit dehors. J’aime être dehors. Et puis j’ai rencontré Stéphane Marie, l’équipe de tournage et je me suis dit on va voir; j’ai vu et ça m’a plu. Stéphane m’a éblouie par son talent et son intégration dans son univers, il est très chaleureux en plus; c’est un artiste, il était déjà décorateur de théâtre. Il nous recevait dans sa maison en Normandie, là où il avait grandi, un lieu riche de beauté si dépaysant pour une parisienne…

Comment justement avez vous réussi à prendre votre place?

il y a une bonne alchimie entre nos ressemblances et nos différences. C’est un garçon, je suis une fille! Plus sérieusement, nous n’avons pas manqué des mêmes choses enfants, pas été abreuvés des mêmes choses; ainsi nous n’avons pas les mêmes goûts mais malgré cela nous avons aussi beaucoup de choses en commun: l’amour de la nature, de la maison, des amis. Tous deux, nous sommes aussi totalement réfractaires à la modernité avec des portables aussi ringards l’un  et l’autre, fâchés avec internet. Stéphane est chic, il n’aime pas la branchitude. Tous les deux, nous avons notre rythme à nous…

Vous êtes un couple d’antenne…Vous ne craignez pas le divorce?

J’ai peur qu’il ne m’aime plus! Ça m’ennuierait…Des animatrices il y en a tellement, des plus jeunes, des plus belles et des « plus » tout! Mais j’espère pas des plus rigolotes, ou qui comprennent aussi bien son jardin…C’est vraiment lui qui porte cette émission d’ailleurs. Je crois cependant qu’il y a peu de chances que l’on se fâche car on est finalement tous les deux faciles à vivre; on est pas des grandes gueules! C’est en plus quelqu’un qui reçoit bien (les tournages se font entièrement chez lui). La vérité c’est que l’on est tous les deux faciles à vivre et que c’est vraiment agréable de travailler avec quelqu’un que l’on admire! Je ne me lasse pas de le voir faire une merveille avec deux branches d’arbre…

Radio/télévision, une autre couple dans votre vie…

Les deux n’ont rien à voir. La radio est beaucoup plus difficile que la télévision, il faut toujours avoir quelque chose à dire! A la télévision, on peut juste montrer et se taire. Il y a beaucoup plus de gens médiocres à la télévision qu’à la radio! On peut bidouiller puisqu’on a l’image. C’est un peu comme au théâtre où je me suis souvent ennuyée dans de bonnes pièces alors qu’au cinéma, toutes ces images, je ne m’ennuie jamais même dans les mauvais films. Ça me distrait toujours le cinéma; c’est pareil pour la télévision, c’est tellement gigotant, tonitruant.

Comment s’est passé la rencontre avec la radio et plus précisément France Inter?

J’ai fait une fac de droit, une école de théâtre et en 1982, il y a eu les radios libres. J’aimais l’éphémère mais j’étais ultra timide alors la radio, c’était parfait. Il y a eu NRJ puis Europe 1 qui n’était pas pour moi. France Inter, je la connaissais par coeur, j’étais une enfant solitaire alors je l’écoutais tout le temps. Je connaissais tous les animateurs, comme une deuxième famille. J’adore cette émission Les petits bateaux où les enfants posent des questions, moi qui n’ai jamais eu l’impression d’en être une. J’aime tellement entendre ces voix quand on les sélectionnent, il y a des questions qui sont si profondes, si inattendues. Et puis, j’ai du mal avec le monde moderne, j’ai du mal à m’adapter. Toutes ces aberrations…comme ces plateformes d’appel; l’autre jour on m’a dit que l’on avait » historisé » mon appel, une façon élégante de me dire « allez vous faire foutre!« . En fait, derrière ces petits tracas, il y des grandes douleurs…

Une « accoucheuse » comme vous, vous auriez pu être psychologue, non?

J’aurai trop peur de me tromper! Trop de responsabilités…Mais ça m’intéresse vraiment les histoires des autres. Et puis je ne veux pas vivre dans le malheur, les victimes ce n’est pas pour moi. On n’est pas responsable du mal que l’on vous a fait mais on est responsable de ce qu’on en fait. Les petits drames, oui mais pas le vrai malheur-ce n’est pas pour moi.

Des émissions qui durent aussi longtemps, vous ne connaissez pas de lassitude?

La vie n’est jamais la même. On découvre des choses tout le temps, les enfants évoluent tellement vite! Ils parlent, s’expriment, sont savants grâce à internet. Ça ne peut pas être lassant; par exemple, j’ai commencé à garder des enfants à l’âge de quinze ans, il fallait les faire dormir sur le ventre, puis on a dit que c’était mieux sur le côté , puis le dos. En gros en cinquante ans, ils ont fait six fois le tour sur eux-mêmes!

Voilà, tout Noëlle Bréham est là. Pointer avec humour les aberrations et du coup adoucir la vie. Jusqu’à tricher au Monopoly, « piquer dans la banque » me raconte-t’elle encore pleine de honte, pour favoriser l’enfant qui perdait…Et que tout le monde gagne, question de générosité. Un mot désuet qui lui sied à merveille, elle qui se voit dans dix ans comme une vieille dame donnant des conseils psy ou  » en admettant que ça existe, tenir un « joli » bordel ». On y serait bien…

 

Par Laetitia Monsacré

 

 

 

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