23 août 2018
A qui profite le crime?

 

L’arroseur arrosé? Alors que le procès d’Harvey Weinstein bat son plein outre Atlantique, Le New York Times a reçu anonymement des documents compromettant Asia Argento laquelle, en accusant le producteur américain de l’avoir violée, est devenue fin 2017 une des figures du mouvement #Metoo. Son tort? Avoir eu elle même une relation sexuelle non consentie avec un jeune acteur américain, mineur à l’époque des faits, auquel elle aurait versé comme un certain Donald Trump une coquette somme d’argent- trois fois plus que le président américain- pour acheter son silence. De quoi prouver une fois encore que les femmes ne sont pas égales aux hommes! Mais surtout loin de toute pose féministe, se demander à qui profite cette révélation qui discrédite une actrice qui a eu le courage de briser l’omerta-même si Harvey Weinstein était alors en sérieuse perte de vitesse- et ne manquera pas d’effrayer celles qui pourraient à leur tour le faire. Qui n’a pas peur que l’on fouille dans son passé ni que l’on hypothèque son futur? Voilà qui a donné lieu en tous les cas à un matraquage médiatique en règle- même le JT de 20 h de France 2 en a fait un sujet et une fois encore, à des tweets bien peu inspirés. Entre ceux postés à l’époque par Asia Argento -et qui ont bien à propos refait surface- où elle susurrait comme elle est heureuse de passer son anniversaire avec le jeune acteur et ceux qu’elle a échangé avec Franz Olivier Giesbert où celui-ci souligne qu’une invitation dans la suite d’un homme laisse deviner ses intentions, les réseaux sociaux montrent à nouveau leur limites dans cette chasse ouverte où la frontière entre prédateurs et victimes est loin d’être fixe.

Omerta Hexagonale

Reste que l’on pourrait dire la même chose de l’antilope qui vient s’abreuver dans les lacs sous le nez des grands fauves. A-t’elle le choix? Pas vraiment si elle veut survivre dans un monde où règne logiquement le plus fort…Depuis la nuit des temps, le droit de cuissage a existé et il faudra bien plus qu’une affaire Weinstein et des hashtags pour s’en débarrasser dans nos sociétés occidentales. Du courage, il en faudra ainsi beaucoup pour que les actrices françaises se mettent à parler alors qu’une omerta incroyable règne dans l’Hexagone. Si l’on a offert la présidence du dernier Festival de Cannes à une femme Cate Blanchett, les langues se délient en effet bien peu au pays d’Olympe de Gouges, laquelle eu la tête tranchée et sa Déclaration universelle des droit de la femme jamais signée. En témoignent ainsi les suites de nos révélations sur Alain Terzian en février dernier- lire article. Lequel  affirmait droit dans ses bottes à David Pujadas le 1er mars sur LCI que « Toutes les histoires aux États-Unis ne nous concernent pas ». Weinstein c’était une énorme puissance. En France, ça n’existe pas. Le producteur est un artisan, il passe son temps à rendre des comptes. »

Saint Luc Besson

Un artisan qui n’a donc ni pouvoir, ni envies sexuelles? Saint Luc Besson donc, lequel, comme l’a souligné en juillet dernier le New York Times, n’a absolument pas été inquiété par la justice ni mis au ban par la profession suite au dépôt en mai dernier d’une première plainte contre lui par l’actrice Sand Van Roy l’accusant de viol après deux ans de relations forcées sous peine d’être coupée au montage- lire article) . Première personnalité de l’industrie du film en France à être mis en cause à l’ère de #MeToo, une sorte de Weinstein « à la française » (Mediapart a recueilli de nombreux témoignages l’accusant d’agressions sexuelles) comme le souligne Le New York Times qui explique dans ses colonnes combien il est difficile en France d’accuser car  » tant qu’un homme n’est pas inculpé, il lui est relativement facile de poursuivre son accusatrice en diffamation ». 

La diffamation, l’arme absolue en France

Nous attendions donc de pied ferme les avocats d’Alain Terzian après la diffusion de notre article, alertés par nos amis journalistes de son « immense réseau »- beaucoup des personnes étant achetables pour être invités aux César! Il a choisi le silence sans aucun doute pour éviter que les langues ne se délient si l’affaire était passée en justice. Un aveu ? Le rencontrant au défilé Chanel en mars dernier, il nous a demandé pourquoi nous « le détestions tant? ». Un billet reprenant notre article l’incriminant, publié sur notre blog Mediapart voir le joli 404  » ne respecte pas la charte de participation » a par ailleurs été déprogrammé de la Une du Club de Mediapart après qu’un compte créé le jour même sur Mediapart nous ait accusé d’être des « procureurs »– Cahuzac avait utilisé le même mot à l’égard d’Edwy Plenel, créateur de Mediapart..

Enfin, nous avons été contactés en mai dernier par une journaliste de M6 qui voulait en savoir plus sur nos contacts, nous affirmant avoir eu la confirmation de la difficulté de mener l’enquête sur Alain Terzian, notamment avec des victimes qui démentent à l’image d’Alexandra Leclerc que nous avions cité, sans doute peu vaillante pour mener une croisade dans la grande famille du cinéma. De notre côté, on a pas renoncé; les « artisans » et autres prédateurs sont prévenus.

Par Laetitia Monsacré

 

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