16 mars 2012
A Dieu les enfants

Ça y est, ils savent. Les pères  et les mères. Ils savent depuis mercredi, après des heures d’attente immonde, s’ils sont perdants ou gagnants dans cette loterie que leur impose avec une violence inouie la vie. Vingt deux parents dont le téléphone n’a pas sonné. Trois dont chaque heure qui passe est encore un supplice, leur enfant luttant contre la faucheuse dans un hôpital de Lausanne. La Suisse n’est pourtant pas un pays violent. Nulle guerre ne l’a jamais frappé. Ses terres sont vierges du sang qui a pu couler dans tous les pays qui l’entourent. Oui mais voilà, un car qui sort de la route, sous un tunnel, et c’est tout un pays qui se retrouve le théâtre d’un drame qui, aux quatre coins de l’Europe, émeut et glace le sang. Voir ces hommes et ces femmes, avec leur petite valise remplie d’objets et d’ images pour identifier leurs enfants. Se mettre à leur place, imaginer ce qu’ils peuvent ressentir devant ce morceau de mur qui leur a arraché pour toujours leur enfant. Le journal télévisé a retrouvé un témoin déjà passée par là. Enfin, passé, l’expression peut difficilement s’appliquer ici, n’est ce pas? En 1982, 44 enfants étaient morts carbonisés dans un car sur l’autoroute des vacances. Après? Cette mère qui a perdu ses trois enfants dans l’accident résume devant leurs tombes: « On survit« .

Funeste destin

A Sion, on ne saura sans doute jamais ce qui s’est vraiment passé, s’il y a des coupables sur lesquels les parents qui ont perdu leur enfants-il n’existe pas de mot pour les qualifier comme « veuve »ou « orphelin »,  pourront décharger leur colère.  La colère permet en effet souvent de tenir, de se lancer dans un combat pour obtenir d’autres hommes ce que certains vous ont volé.  Mais là, il semblerait que même ce subterfuge ne leur sera pas offert. Non, il leur faudra croire au destin. Funeste et injuste.  Pourquoi mon fils, pourquoi ma fille? Les survivants, eux, deviendront  la proie facile de la culpabilité. Après que leurs os se soient ressoudés, il leur faudra affronter leur école, les places qui restent vides, le souvenir de ces camarades qui ne fêteront jamais leur treize ans. Pour tous les autres, spectateurs rendus voyeurs par cette tragédie à laquelle il est si facile de s’identifier, sans doute est ce l’occasion de relativiser devant tous les petits drames que la vie leur réservent. Et de faire une seconde de silence dans leur tête à cette occasion, en songeant à quoi ressemblent les vrais.

 

Par Laetitia Monsacré

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