Parrainée par Mathias Dantin, devenu tétraplégique suite à un violent plaquage lors d’un match de rugby en milieu scolaire, l’édition 2025 de l’Offrande musicale, festival initié en 2020 par David Fray pour faire partager la musique avec les personnes porteuses de handicaps de manière beaucoup plus inclusive, se nourrit aussi de symboles avec une clôture placée sous le signe du ballet à l’Espace Robert Hossein à Lourdes. Intitulé Les beautés de la danse, le programme propose, en sept morceaux, sous la coordination artistique de Gil Isoart, professeur au Ballet de l’Opéra de Paris après y avoir été soliste, un condensé du grand répertoire chorégraphique et de l’épure néoclassique incarnée par John Neumeier, la figure tutélaire de Hambourg que le directeur du festival a accompagné au piano lors de sa dernière création.

C’est d’ailleurs avec un solo tiré de Vaslaw, que le chorégraphe américain avait imaginé pour un hommage à Nijinski, sur des extraits du Clavier bien tempéré et des Suites françaises de Bach, que s’ouvre la soirée. Alessandro Frola fait ressortir la décantation athlétique avec vitalité et fraîcheur juvéniles. Le Roméo et Juliette de Kenneth McMillan, sur la partition non moins célèbre de Prokofiev, fait partie des incontournables du Royal Ballet de Londres. Si les duos entre les deux amants de Vérone sont donnés sans la riche scénographie du spectacle, les étoiles de la compagnie anglaise Francesca Hayward et Cesar Corrales nouent, revêtus de quelques magnifiques costumes et sans grandiloquence, la quintessence romantique de la passion et des sentiments. Ouvrage difficile à monter non seulement pour les moyens qu’il requiert, mais aussi pour la virtuosité exigée des interprètes, La Belle au bois dormant est des trois Tchaïkovski chorégraphié par Rudolf Noureev, en réinventant l’héritage de Petipa, le moins souvent à l’affiche de Bastille – bien moins que Le Lac des cygnes et Casse-Noisette. Jeunes étoiles de l’Opéra de Paris, Bleuenn Battistoni et Paul Marque l’élégance technique et expressive du pas de deux entre Aurore et le Prince qui la réveille de son sommeil.

On retrouve ensuite Hambourg, avec Alessandro Frola aux côtés d’Ida Praetorius dans l’une des créations les plus emblématiques de John Neumeier, qui a mis en danse presque toutes les grandes œuvres de Mahler. La Cinquième Symphonie est devenue célèbre pour son Adagietto que Visconti a utilisé dans Mort à Venise – adaptation de la nouvelle de Thomas Mann que le chorégraphe américain a lui même portée à la scène. Dans la traduction dansée créée en 1984, l’atmosphère irréelle et onirique de ce mouvement lent pour cordes est magnifiée par un geste et des lumières décantés, d’une mélancolie que l’on pourrait qualifier d’apollinienne, et que les deux solistes s’attachent à restituer avec sensibilité. Delibes a écrit la musique plusieurs ballets majeurs de l’époque romantique. Dans le pas de deux extrait de Coppelia confié au couple d’étoiles londoniennes, Francesca Hayward et Cesar Corrales, reprennent l’approche poétique et narrative de la chorégraphie de la création due à Arthur Saint-Léon, nourrie par le conte L’Homme au sable d’Hoffmann. Avec Sylvia, c’est une relecture néoclassique que propose John Neumeier, qui a été pendant plusieurs années au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris. Jeune talent de la compagnie de Hambourg à suivre, Louis Musin fait palpiter toute la gaucherie amoureuse du berger Aminta, avec une irrésistible candeur lunaire qui ferait presque oublier une évidente maîtrise technique, face à la nymphe mutine campée par Madoka Sugai. C’est par une autre archive de l’histoire du ballet, dont le pas de deux revient épisodiquement au répertoire de l’Opéra de Paris, que se referme la soirée : Bleuenn Battistoni et Paul Marque offrent avec l’Esmeralda de Petipa un final haut en couleurs inspiré par Notre-Dame-de-Paris de Hugo, plus d’un siècle avant Roland Petit. La magie de la danse et de la jeunesse fait communier le public de l’Offrande musicale.

Par Gilles Charlassier

L’Offrande musicale, juillet 2025, Les Beautés de la danse, 11 juillet 2025 à Lourdes

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