22 janvier 2025
Intensité romantique pour le deuxième volet de la Saga Trilogy à Bordeaux

Pour sa première saison à la tête de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine, le chef américain Joseph Swensen dévoile également son œuvre de compositeur, avec trois concertos formant une Saga Trilogy présentée au fil de la saison. Après la création française du premier, pour contrebasse, le 3 octobre dernier, et avant le dernier, pour clarinette, qui refermera le cycle le 13 juin, le deuxième, avec un effectif moins classique, violoncelle et accordéon, confirme une démarche renouvelant l’héritage romantique, par une expression démiurgique des impressions et des sentiments de l’homme face à l’immensité du monde, à l’heure de l’exhibitionnisme égotique sur réseaux sociaux.

La mise en perspective avec Dvorak renforce la mise en valeur de ce lignage esthétique. La soirée s’ouvre d’ailleurs avec une courte page du maître tchèque, Silence de la forêt op. 68 n°5, tirée d’un cycle de pièces pour piano et qu’il a ensuite orchestrée. L’élan évocateur de cette miniature, marquée par le souvenir des paysages du pays natal juste avant le départ de Dvorak pour sa tournée américaine, est porté par le solo du violoncelle, d’une intensité expressive qui l’apparente au célèbre Concerto en si mineur op. 104.

Empreinte mahlérienne

Donnée pour la première fois en France, la partie centrale de Saga Trilogy est inspirée par la figure de Siegfried, alors que le chef états-unien travaillait à une condensation de la Tétralogie de Wagner, Ring Odyssey. Avec l’incarnation du héros par le violoncelle soliste, confié au fils du compositeur, Jonathan Swensen, le concerto affirme une empreinte de la tradition romantique, sensible également dans une écriture qui ne refuse pas l’univers modal, ni la puissance suggestive. Sur un murmure évanescent de cordes et percussions, qui rappelle l’errance du personnage wagnérien au milieu de la nature, le violoncelle déploie un chant nourri de lyrisme. Ce lento à l’allure introspective évolue ensuite vers un scherzo qui reprend la structure d’une passacaille. Cette volatilité rythmique, colorée de motifs jazz, illustre les aventures épiques d’un héros qui rencontre enfin l’amour. Reprenant le thème de la Sarabande de la Suite pour violoncelle n°5 de Bach, le finale n’est pas sans faire songer à celui de la Symphonie n°3 de Mahler.

Après l’entracte, Joseph Swensen dirige la Symphonie n°9 de Dvorak avec un instinct très romantique qui se traduit dans une gestuelle extravertie. Avec un rubato aussi dynamique qu’irrésistible, il sait faire rayonner les couleurs des pupitres bordelais. La précision dramatique du mouvement augural s’enrichit d’une ligne mélodique sculptée avec tendresse dans le Largo. La nervosité du Scherzo et de l’Allegro con fuoco confirme cette intelligence analytique revivifiée par la générosité contagieuse du chef américain. Son succès auprès de l’orchestre comme du public ne dira pas le contraire.

Par Gilles Charlassier

Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Auditorium, Bordeaux, Saga 2, concert du 20 mars 2025

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