15 novembre 2011
Roman d’une vie

La vie d’Edouard Limonov est un roman. Emmanuel Carrère en a fait un grand livre intitulé sobrement Limonov, paru aux éditions P.O.L.. Son meilleur texte à ce jour justement couronné du prix Renaudot avec face à lui pour le Goncourt, Alexis Jenni qui ne lui a laissé aucune chance. Limonov a aujourd’hui 68 ans. Son existence aura de bout en bout été hors du commun. Fils d’un sous officier du NKVD, petite frappe, poète et gigolo en URSS, puis romancier, maitre d’hôtel et homosexuel demi prostitué à New York, puis homme marié, journaliste et coqueluche de St Germain à Paris. Et au delà, activiste pro Serbe et fondateur à Moscou du Parti National Bolchévique, ramassis de crânes rasés à rangers cloutées pour lesquels Edouard a une tendresse particulière. Est il fasciste, communiste, libertaire, nationaliste ? Rien de tout cela, ou tout à la fois ? Soljenitsyne disait de lui : « Limonov est un petit insecte qui écrit de la pornographie ». Peut être. N’empêche qu’Edouard Limonov, quels que soient les sentiments qu’il nous inspire, est un personnage fascinant : le prototype du Russe maudit ou de l’ordure flamboyante, c’est selon. Emmanuel Carrère a écrit sur ce personnage qui n’est pas de fiction un ouvrage tout aussi fascinant, comme lui seul ou presque sait les écrire : un texte entre le reportage ultra documenté et la littérature de haute volée, parfaitement construit et écrit, accessible à tous, même à ceux que le sujet n’intéresse pas. Un jour prochain peut être, Edouard Limonov, malgré ses nervis et ses gardes du corps, sera abattu à Moscou, parce qu’il aura une fois de trop un peu trop dérangé. Alors on relira Emmanuel Carrère et on se dira : « C’était écrit !».

par Bernard Poirette

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