21 septembre 2012
Prima la musica

Deux heures trente sans entracte. Autant dire qu’il vaut mieux de pas arriver en retard. Heureusement, les lumières de la salle restent en partie allumées pendant le premier quart d’heure, tandis qu’un sextuor joue sur scène devant un tableau champêtre. En guise d’ouverture, Capriccio nous sert de la musique de chambre. C’est que pour son dernier opus lyrique Richard Strauss a choisi un sujet bien particulier : l’opéra.
Nous sommes à la fin du dix-huitième siècle dans un château aux environs de Paris, on prépare l’anniversaire de la Comtesse, le directeur de théâtre La Roche, le compositeur Flamand et le poète Olivier – l’un et l’autre secrètement amoureux de leur mécène, jeune et veuve – défendent leur importance dans le succès d’un opéra, chacun prétendant avoir le premier rôle.
Pareille mise en abyme constituait du pain béni pour le virtuose des effets de perspective et de miroirs qu’est Robert Carsen – comme le prouvent ses fameux Contes d’Hoffmann à l’affiche en ce moment à la Bastille – , à qui Hugues Gall avait commandé la dernière production de son mandat, en juin 2004, le tout dans un décor de coulisses, qui s’ouvre, chose rare, jusqu’au foyer de la danse. Reprise une fois en 2007, cet écrin conçu pour la diva Renée Fleming-abonnée à Strauss et qu’on vient de revoir tout en bleu à nouveau dans Arabella à Bastille, suit fidèlement l’intrigue, sans chercher à l’animer de manière iconoclaste.
Cette « conversation en musique », inéluctablement bavarde par moments, risque de laisser sur leur faim les amateurs d’airs et d’action, voire de les faire  somnoler comme La Roche ou Monsieur Taupe. Mais cette partition subtile multipliant les pastiches et les clins d’oeil ravira le mélomane, d’autant que Philippe Jordan, en fin straussien, en détaille les nuances sans jamais s’appesantir de manière didactique. D’une luminosité presque diaphane, Michaela Kaune distille une fraîcheur dans le rôle de la Comtesse que sa consoeur plus célèbre n’avait pas. Sans oublier le reste d’une distribution vocale qui frôle presque toujours l’excellence –  excepté un Conte passablement usé – et cela sans avoir recours à une starisation tapageuse.
Voilà un bijou de délicatesse discrètement mélancolique que les amateurs ne devraient pas manquer…

GL

Capriccio à l’Opéra Garnier– 19 heures 30 jusqu’au 27 septembre

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