26 février 2015
Parfums d’Italie

 

Rigoletto_Regia Leo Muscato_Un totale_Opera di Roma Stagione 2014-15_©Yasuko Kageyama_9016
Quand sévit l’hiver, rien ne vaut une cure méditerranéenne pour se mettre un peu de soleil dans les oreilles, et c’est dans la plus méridionale des capitales germaniques qu’elle commence, avec La Straniera de Bellini, réglé par l’incontournable Christof Loy pour le Theater an der Wien. Sensiblement plus rare à la scène que les autres ouvrages du compositeur catanais, la partition ne manque pas de qualités, cultivant un réel suspense autour de l’identité de l’étrangère, qui n’est autre que la reine de France en exil, même si le dénouement paraît un peu cousu de fil blanc. Dans un dispositif unique en bois d’apparence presque traditionnelle avec ses illustrations en toiles de fond, la production participe de la consistance de l’ensemble.

Vienne sous le signe de Bellini

Imaginé pour Edita Gruberova, qui n’en finit pas de fouler les planches pour un public qui lui est acquis d’avance – Vienne partage avec Munich un goût certain pour les crépuscules des grandes carrières, promis à la légende –  le spectacle met à l’affiche, en alternance, Marlis Petersen, douée aussi d’une présence indéniable –et d’un matériau encore à son zénith, auquel l’Arturo de Norman Reinhardt  donne la réplique. La densité expressivité de la primadonna contraste avec la diaphane Isoletta de Theresa Kronthaler, quand Franco Vassalo fait résonner l’autorité du baron Valdeburgo ; Vladimir Dmitruk affirme en Osburgo un éclat prometteur. L’Arnold Schoenberg Chor ne faillit à sa réputation, tandis que Paolo Arrivabeni s’y entend comme personne pour mettre en avant l’insoupçonné génie orchestral du bel canto.

Verdi sur les planches romaines

Direction Rome ensuite, avec un des piliers du répertoire, Rigoletto de Verdi, dans une nouvelle mise en scène de Leo Muscato, donnée l’automne dernier et qui revient en début février pour cinq représentations. Si dans la Rusalka d’ouverture de saison, l’inventivité avait assez heureusement passé les fourches caudines des difficultés de l’institution lyrique romaine, le résultat se montre moins convaincant avec le plateau dépouillé de ce Rigoletto qui prend le parti de l’illusion théâtrale, faisant descendre des cintres les décors successifs, à l’image d’un rideau de scène à l’enseigne du Duc de Mantoue pour évoquer la demeure du libertin. Du moins peut-on applaudir l’aérienne Gilda d’Irina Lungu, palpitant de fragilité, face au Duc d’Ivan Magri. En bouffon et père angoissé, George Petean appuie parfois la rugosité du personnage, plus que son potentiel vocal, tandis que Marco Spotti fait un solide Sparafucile, d’une belle plénitude. On attendait beaucoup de la direction de Gaetano d’Espinosa, d’un métier cependant sans reproche.

Offenbach en tournée

C’est enfin à Reggio Emilia que le Melomaner est allé s’asseoir, pour des Contes d’Hoffmann coproduits avec Piacenza, Modène, Toulon et Nancy Opéra Passion, et qui donne une généreuse tribune aux jeunes chanteurs – là se trouve d’ailleurs la raison du soutien de l’association lorraine. Interrompu par la mort, Offenbach n’a pu livrer de version définitive de son ultime opus, et les éditions se sont succédé au gré des découvertes de manuscrits. Celle de Michael Kaye et Jean-François Keck donne une nouvelle lecture de l’acte de Giulietta – celui pour lesquelles les divergences sont les plus significatives – modifiant sensiblement la damnation de la courtisane avec une fin nettement plus abrupte. C’est d’ailleurs la partie à laquelle Nicola Berloffa a concentré ses trouvailles scénographiques les plus spectaculaires, faisant scintiller sur la salle une boule multi facettes comme autant de diamants. Privée de sa conclusion éthérée, l’épilogue prend également une tournure plus théâtrale, sinon matérielle. Parmi les jeunes solistes, on retiendra les français Florian Cafiero, Spalanzani et Frantz plus lyrique que ce qui est habituellement distribué pour le rôle, ainsi qu’Olivier Dejean, Maître Luther et Crespel. Oympia revient à la haut perchée Elina Cenni,  tandis que Maria Katzarava réserve son lyrisme à Antonia, plus qu’à une Giulietta moins sollicitée qu’à l’ordinaire. Remplaçant au pied levé Giorgio Berrugi, souffrant, Marc Laho réalise une fort honorable performance, que l’on pourra retrouver à Toulon en mars. Enfin, sans toujours donner le meilleur d’eux-mêmes en fosse, l’Orchestre régional d’Emilie Romagne, placé sous la direction de Christopher Franklin, laisse entendre une excellence symphonique inscrite dans son histoire.

Par Gilles Charlassier

La Straniera, Theater an der Wien, janvier 2015 – Rigoletto, Teatro dell’Opera di Roma, février 2015 – Les Contes d’Hoffmann, Piacenza, Modena, Reggio Emilia, Toulon, janvier-mars 2015

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