19 décembre 2012
Musée Jacquemart-André / Voyage en Vénétie

Pour la première fois, le somptueux hôtel particulier du couple de collectionneurs Édouard André et Nélie Jacquemart, boulevard Haussmann, met les « veduta » vénitiennes à l’honneur. Contrairement au musée Maillol qui focalise rive gauche sur les vues typiques de Venise uniquement sous le pinceau de Canaletto, le musée Jacquemart-André, a lui, choisi de présenter également sa succession, à savoir, les œuvres de Francesco Guardi qui fête son 300ème anniversaire ! Une cinquantaine d’œuvres choisies, qui permettent de cerner la spécificité du genre « vedutiste » grâce au dialogue entre les artistes.

De la Veduta à la carte postale

Baptême dans les eaux vénitiennes dès la première salle. Du berceau à sa maturité, vous saurez tout du très pittoresque genre vedutiste. Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto rend célèbre ces captures urbaines au 18ème siècle. Très vite, les barons anglo-saxons se les arrachent. De nombreuses commandes des collectionneurs British sont faites. Devant ces toiles, vous ne manquerez pas de vous croire devant un décor de carte postale immortalisant la Cité des Doges…Et pour cause ! « Gaspar van Wittel, Luca Carlevarijs, Michele Marieschi, Bernardo Bellotto…Tous ces peintres ont fait de Venise un véritable objet poétique, mythique et théâtral, de la place Saint-Marc au Grand Canal, des majestueux palais aux mystérieuses ruelles »  explique Bruno Monnier, Président-Directeur Général de l’exposition.

Entre ciel et eaux

Les toiles des artistes dialoguent et se comparent.  Si l’un excelle dans l’azur, l’autre brille par le reflet des eaux de la lagune.  Francesco Guardi, lui, est un orfèvre du liquide. Son eau bleue-verte moirée d’argent est un travail méticuleux sur les reflets qui sautent aux yeux des visiteurs.  Exercice de style qu’il réussit avec succès dans une toile présentée où l’eau et la mer se rencontrent sans jamais se confondre : virtuosité, souvent esquivée par les peintres ; mais comme la conférencière l’indique à son petit groupe grisonnant, le disciple de Canaletto a l’art de magnifier la ville des gondoles. Le foisonnement des détails et la connaissance intime des lieux par l’artiste font le charme de Guardi, ce qui n’a pas empêché que tous deux aient été qualifiés de « portraitistes du ciel ».

Le caprice comme préfiguration du romantisme

C’est la face cachée des « vedutistes ». Leur jardin secret si l’on ose dire. Qu’est-ce que Capriccio, pour les plus italianisants ? L’art de métamorphoser des ruines antiques pour leur donner un air pittoresque et onirique. Vous apprendrez que le berceau de cette « peinture d’expression », c’est Rome : villa par excellence, où antiquités romaines et modernité se côtoient pour propulser le spectateur dans les étoiles. L’imaginaire des artistes se recompose devant nous, alliant végétation folle et architecture classique. L’âme romantique, déformant la réalité, naissait déjà dans cette fin 18ème chez ces amoureux de Venise. Poésie et chimères garanties !
Un conseil: Avant de sortir de l’univers enchanté de ces « vedutistes », ne ratez pas la  Chambre de « Monsieur » et de « Madame »au rez-de-chaussée, avant de déguster un en-cas dans un très romantique salon de thé, installé dans l’ancienne salle-à-manger du couple. Voyage immobile-gustatif assuré.

Par Elodie Terrassin

Canaletto- Guardi / Les deux maîtres de Venise au Musée Jacquemart-André jusqu’au 21 janvier 2013

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