9 juin 2012
Le cheval du boulanger

Le coeur qui l’emporte sur l’argent. Le chicissime Jockey Club, course où les plus riches propriètaires d’écuries de course s’affrontent sur le gazon de l’hippodrome de Chantilly a été remportée cette année, par Pascal Treyve, boulanger de profession. Son pur sang Saônois, acheté 10 000 euros, sa casaque bleu à étoiles d’or ont passé les premiers la ligne d’arrivée,  magnifique revanche de cette France qui se lève tôt sur celle qui s’amuse jusqu’à tard. Un semaine après, celui que l’on joint tout simplement au téléphone en appelant sa boulangerie située dans un petit village de 2000 habitants de la Loire, lévite encore.  Et communique avec la chaleur d’un bon pain ce bonheur qui lui arrive, à lui et tous ceux qui lui ont permis de vivre cette victoire extraordinaire.

Une semaine déjà, vous réalisez?

J’ai encore du mal à y croire. En plus je suis sans arrêt sollicité par les médias, mais sans lassitude encore, car ça fait vraiment plaisir de partager ça. Dans la boulangerie, c’est vrai que l’on me félicite beaucoup aussi, ça dépasse même le village. D’autant que beaucoup avaient joué, un peu par soutien. Alors quand vous savez que pour 10 euros, le gain a été de 200, indirectement on a fait des heureux! Lundi, les deux bars PMU du coin n’ont même pas pu payer tout le monde.

C’est bon pour vos affaires?

Oh, vous savez, à 90 centimes d’euros la baguette, ça change pas grand chose. En fait, il y a même des jaloux qui ne viennent plus! Quant au maire, il  n’est même pas passé, il a même été mécontent qu’on le dérange à la mairie!

On vous a fait des offres pour acheter votre cheval depuis?

Pas plus que cela, surtout que j’ai dit qu’il n’était pas à vendre. Ce cheval, je l’adore et je ne fais pas cela pour de l’argent. Avant le Jockey Club, on m’avait déjà proposé 500 000 euros. On nous a pris pour des fous de refuser! J’ai annoncé que j’allais peut-être vendre ma boulangerie mais la raison principale est plutôt que mon fils est allergique à la farine. Aux chevaux aussi d’ailleurs…

De quand date votre  passion des courses?

J’allais sur les champs de course avant de savoir marcher, avec mon père. Mon rêve d’acheter un cheval, j’ai enfin pu le réaliser avec un premier, Cardan, acheté avec les bénéfices de la boulangerie. Après, ce sont les gains des chevaux qui ont permis de lancer la machine- 1500 euros par mois de frais quand même…J’en ai deux aujourd’hui plus deux moitié d’un. Saônois, lui, avait été refusé par les ventes de yearlings de Deauville, jugé trop petit…Maintenant, je ne vais pas faire le courtier et vous dire que j’ai vu tout de suite que ce serait un crack!

A quel moment vous êtes-vous dit que vous aviez une graine de champion?

Après le course de groupe B à Deauville en décembre dernier. Il a gagné avec trois longueurs d’avance. Pour le Jockey Club où les engagements sont libres-on paye 2 000 euros et c’est tout- le tirage était pas très bon , avec un numéro 16 à la corde (le cheval parcourt beaucoup plus de distance). En plus, pas mal de chevaux n’avaient pas grand chose à faire là, « reculant « dans la dernière ligne droite et empêchant les autres de passer.

Comment avez vous senti l’ambiance autour de cette course « snob »s’il en est, n’étant vous même pas du sérail?

On est resté dans notre coin. Les télévisions avant le départ n’ont même pas parlé de nous…au moins, on avait pas la pression! Après la course, ça a été tout autre chose…Le prince Aga Khan est venu me féliciter, ça fait chaud au coeur, surtout qu’il a fait cela avec vraiment beaucoup de fair-play. Tous ne sont pas venus…

Depuis, vous avez retrouvé le travail?

Oui, levé à minuit 30 et debout jusqu’à 11h30, c’est ça une boulangerie traditionnelle. Je fais la sieste trois heures dans la journée et me repose le mercredi et jeudi. Sans oublier une visite par jour à mes chevaux, ils sont à 5 km du village.

Et la suite c’est quoi?

Du repos pour le cheval avant la saison à Deauville cet été et…l’Arc de Triomphe ! En tous cas, ça me plait d’avoir donné de l’espoir et du rêve à ceux qui ont des chevaux. Vous savez, un cheval ça ressent quand on l’aime; j’en enverrai jamais un à l’abattoir même si j’en ai eu des « mauvais ». Le maquignon qui vient vous le prendre à 600 euros pour l’amener à la boucherie, c’est vraiment trop moche.

Pascal Treyve croit au destin. Sa belle victoire ne témoigne-t-‘elle pas qu’il existe un « Dieu des chevaux », comme il le dit lui-même? Le voilà en tous cas en train de « manger son pain blanc » grâce à ce qui ressemble fort à un conte de fée. Voilà qui fait un bien fou par les temps qui courent…

 

Par Laetitia Monsacré

 

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