25 juillet 2013
Fin de saison sous le signe des étoiles et du bel canto


Bicentenaire oblige, Verdi, déjà fort présent dans les programmations, a encore davantage de raisons de s’inviter sur scène. Si la Bastille propose cet automne Aida, que l’Opéra de Paris n’avait plus donné depuis des décennies, c’est bien à l’aune des raretés ou mal aimés du corpus du compositeur italien que se peuvent mesurer les festivités – et, qui sait ?, réparer certaines des injustices de la postérité.
Pour sa fin de saison, l’opéra de Francfort a mis à l’honneur deux raretés du répertoire italien. Avec La Fanciulla del West de Puccini, on a affaire à un véritable western spaghetti lyrique de Puccini – et traité comme tel par Christof Loy qui fait arriver Minnie par l’écran de scène où sont projetées, comme au cinéma, pendant l’ouverture, des images en noir en blanc de l’Ouest américain. Si les carrures masculines se révèlent imposantes, c’est cependant l’incarnation d’Eva Maria Westbroek qui impressionne le plus – pas sûr que l’austère Nina Stemme à Paris en février prochain fasse une Minnie aussi incandescente dans la mise en scène de Nikolaus Lennhof.

Verdi en terres germaniques

Un coup de feu au coin d’une rue et la meurtrière machine meurtrière de la vengeance des Vêpres Siciliennes est lancée. Effet garanti pour cette relecture polar du massacre des Français à Palerme à la Pâques 1282, qui a inspiré à Verdi son premier opéra pour l’Opéra de Paris – qui ne le lui rend guère, la dernière représentation datant de 2003, dans une production peu convaincante d’Andrei Serban. Hélas, celle de Jens-Daniel Herzog s’épuise également rapidement dans une direction d’acteurs plutôt maladroite et une réduction bourgeoise de la fresque historique. Sans compter un cast vocal plutôt décevant et au français parfois approximatif : Quinn Kelsey manque de distinction en Guy de Monfort tandis qu’Elza van der Heever peine à se faire entendre en dépit de moyens conséquents, qui ne l’aident guère de surcroît dans le boléro d’Hélène au cinquième acte.
Pour ce qui est des gosiers, on pourra se consoler avec l’Attila proposé peu après par le Theater an der Wien. Le public succombe à juste titre à la généreuse Odabella campée par Lucrecia Garcia – la puissance de la voix fait pardonner des rondeurs physiques disgracieuses. Nikolai Schukoff incarne un fébrile Foresto tandis que Dimitry Belosselsky, venu du Bolchoï, fait souffler des profondeurs slaves sur le rôle. On saluera aussi l’Ezio vigoureux de George Petean, des chœurs solides, ainsi que la direction nerveuse de Riccardo Frizza, lequel sait faire entendre l’originalité d’une partition hétérogène qui annonce parfois Macbeth – en particulier dans les accents nocturnes du prélude. Les oreilles comblées, on oubliera la ridicule bataille de casseroles et autres balayettes WC qui ouvre le spectacle – au demeurant la production de Peter Konwitschny  gagne en cohérence au fil de la soirée, avec des emprunts à l’univers de la bande dessinée.

Bouquet d’étoiles en Espagne

Côté hispanique, c’est Donizetti et Puccini qui foulent les planches du Liceu de Barcelone. Dans l’Elixir d’amour, Rolando Villazon fait son numéro d’amoureux transi un peu niais – Nemorino. Si le chant n’est pas toujours orthodoxe, l’énergie qu’il dégage face à la coquine Adina jouée par Aleksandra Kurzak n’en demeure pas moins irrésistible au cœur du décor très dolce vita dessiné par Marcelo Grande pour la mise en scène de Mario Gas. Autre valeur sûre du théâtre lyrique, le tandem Moshe Leiser et Patrice Caurier réalisent une Madame Butterfly de répertoire, avec panneaux coulissants, vues sur le port de Nagasaki et jeu scénique sobre mais efficace. Selon les goûts de chacun, on pourra préférer le Pinkerton solaire de Roberto Alagna (en mars) à celui, plus tourmenté, de Roberto Aronica (en juillet), tandis qu’Amarilli Nizza confère à Cio-Cio-San peut-être plus de fragilité que la solide Hui He, laquelle a ce rôle à son actif depuis une décennie.
Mentionnons pour terminer le dernier spectacle de l’année de la Compañia nacional de Danza d’Espagne, sous la direction de José Martinez depuis son départ du ballet de l’Opéra de Paris. Avec Who cares ? de Balanchine, un parfum de Broadway plane sur le Teatro de la Zarzuela – qui avait ouvert sa saison en septembre dernier avec un deux œuvres de De Falla dans une production qui avait pas mal tournée en Europe. Herman Scherman de William Forsythe distille une puissante énergie, accompagnée par la musique de Thom Willems, complice d elongue date du chorégraphe américain. Enfin, les Sonatas de José Martinez sur des pages de Soler et Scarlatti referment la soirée sur une touche d’élégance, rehaussée par les costumes d’Agnès Letestu, qui n’a pas attendu la fin de sa carrière d’étoile pour démontrer ses autres talents.
GL

La Fanciulla del West, Les Vêpres siciliennes, Opéra de Francfort, juin 2013 ; Attila, Theater an der Wien, juillet 2013 ; Madame Butterfly et L’Elixir d’amour, Liceu de Barcelone, mars et juillet 2013

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