14 mai 2016
Phedre(s), soir de dernière

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Les journalistes que nous sommes sont invités logiquement aux soirs de première; le spectacle n’est pas toujours rôdé, mais c’est la règle du jeu avec, du Théâtre des Champs Elysées à l’Odéon, un cocktail post représentation pour pouvoir se retrouver entre critiques, invités et artistes. A l’Odéon, c’était ce vendredi 13 mai, la dernière de Phèdre(s) avec le tandem Warlikowski/ Huppert, déjà vu dans Un tramway nommé désir en 2010. Une pièce tonitruante mise en scène par le metteur en scène polonais ô combien adulé de trois heures 30 avec la mise en abîme de l’héroïne de Racine, « entrée dans la danse alors qu’elle est incapable de la danser » à travers un tryptique de trois auteurs. « Elle donne »- inutile de rajouter « tout », ni » au metteur en scène », ces deux mots claquant suffisamment bien pour définir la prestation époustouflante d’Isabelle Huppert, brindille en tailleur noir, chemise blanche, le visage illuminé sans trace de fatigue, au milieu des invités et toute l’équipe de l’Odéon dans cette salle sous le toit du théâtre où l’on ripaille sucré et salé, avant de se mettre à danser follement jusqu’à trois heures du matin.

Jusqu’aux petites heures du matin

Claude Bardouil, le chorégraphe qui a signé les ondulations de la sublime streaper- Rosalba Torres Guerrero- en soutien-gorge et string à paillette laquelle aura sans aucun doute donné plus d’une érection parmi les spectateurs mâles de la scène, chaloupe avec elle, tandis que les fumeurs bravent le vent qui balaye le balcon. Beaucoup de spectateurs n’auront pas tenu jusqu’au « à défaut de ton bras, prête-moi ton épée », avec un claquement de siège en réponse à la question finale posée par Phèdre/ Huppert « Est-ce que cela suffit? « . Assomés par ce « tunnel » de la version de l’anglaise  Sarah Kane, ils seront nombreux à avoir raté Huppert la rousse qui, après avoir été déesse (Aphrodite) devient putain, reine, domestique,  tyran et enfin suppliante, lorsqu’en tailleur strict noir, sa voix s’étrangle pour prononcer les alexandrins de Racine comme on ne les a jamais entendus. Sublime, résolument sublime est le jeu cette comédienne qui aura dû auparavant ramper, vomir, simuler l’orgasme, la masturbation, la fellation et se doucher pour cause de menstruations. Car Wajdi Mouawad n’y est pas allé de main morte avec sa Phèdre, plongée dans une « pornographie métaphysique » où les hommes sont nus, Huppert en collant et lingerie noir de prostituée « la démocratie est sortie de ma chatte », tandis que dans l’ombre un homme se branle devant un streap tease. Les critiques ont la plupart détesté comme Fabienne Pascaud de Télérama jugeant la pièce « incompréhensible et prétentieuse » ; il y a pourtant plein de moments magiques comme cette chanteuse en live, accompagnée d’une guitare électrique qui danse, les vidéos qui montrent comment Huppert sait sculpter mieux que quiconque sculpter son visage. Un détour par la passerrelle pour une vue vertigineuse sur la salle et les invités s’éparpillent sur la place de l’Odéon replongée dans le silence d’un petit matin germanopratin.

LM

Phedre(s), en tournée à Clermont Ferrand du 27 au 29 mai, Athènes, Liège, Luxembourg, Londres et à New York en septembre-décembre 2016

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