11 juin 2015
Alexandre Hallier, producteur gourmet

Alex ID

Un documentaire suivant jour après jour François Hollande, un troisième enfant tout juste né, de nouveaux locaux pour sa société La Générale de Production, Alexandre Hallier est un quarantenaire qui n’a pas trainé.  De ses débuts comme journaliste au desk de LCI-salle de rédaction dont on ne sort jamais- à l’élaboration d’un catalogue vertueux conjuguant documentaires inspirés ( Le président, La tyrannie du cool), programmes courts pédagogiques- Les clés de la République diffusé sur LCP ou Graines de citoyen qui décodent non sans ironie concepts et institutions, il « accouche » depuis ses 26 ans les réalisateurs et auteurs dans un marché très concurrentiel où il est difficile de faire sa place. Une profession de « foi » à l’écouter au milieu de ses cartons arrivés du côté de la Goutte d’or, quartier bien éloigné de ceux où se joue le bal médiatique.

Est-on comme dans l’édition littéraire dans une logique de « collection » lorsque l’on est producteur télévisé?

C’est en effet très semblable. Il y a différentes acceptations du nom producteur: à la Générale de production, nous avons une approche assez éditoriale avec une identité propre. Nous recherchons un certain décalage, une originalité dans l’angle et nous l’espérons, une réelle ambition éditoriale.

L’idée de transmission vous parait importante ?

Nos programmes courts s’y consacrent avec l’idée qu’elle doit s’accompagner d’une recherche formelle: le fond sonne juste si la forme suit. Il y a une alchimie, un équilibre à trouver avec un travail d’animation et d’écriture qui s’adresse aux plus jeunes mais également aux adultes comme Les Clés de la République qui associe la plume du journaliste Thomas Legrand et les mises en scène imaginées par Matthieu Decarli et Olivier Marquezy. Un programme court qui s’accompagne également d’une application.

Le second écran est-il devenu incontournable en matière de programmes?

Il faut trouver l’équilibre; tout ne se prête pas à la multiplication des interfaces et des écrans. Il faut veiller à ne pas tomber dans une tyrannie de l’ubiquité ou de la déclination à tout va. L’application, c’est un métier; le nôtre est avant tout d’éditer des contenus.

Quelle est votre regard sur la montée en force des réseaux sociaux dans l’information?

C’est un phénomène double; déjà, c’est là, il faut donc faire avec. Il y a une culture du numérique propre qui s’impose à nous, alors autant prendre le phénomène avec gourmandise. Maintenant, c’est à la fois une démocratisation avec un accès élargi à l’information et une atomisation terrible aux conséquences sociologiques et sociétales lourdes. Le danger est de croire que « tout vaut tout » alors qu’au contraire, il y a un rôle décisif pour les auteurs, les journalistes, les réalisateurs et les producteurs à donner du sens et des perspectives à cette inflation du contenu, et ce pour ne pas être submergé. C’est une mission de service public qui justifie et nécessite des moyens.

Derrière producteur on imagine toujours l’argent…

C’est avant tout celui qui rend « possible » en stimulant un projet; cela passe par une idée, une relation étroite avec le réalisateur et une conception formelle. Après, il faut rencontrer un marché où nous essayons d’être le plus possible en amont. Généralement, on a une envie, on écrit un projet qui correspond peu ou prou à un format, à une chaîne.  C’est une industrie un peu atypique car de « prototype ». On fabrique une fois que l’on a vendu.

A un coût que vous fixez vous-même ou bien qui vous est imposé par la chaîne?

C’est plutôt la chaine qui décide avec un coût de grille fixé par le diffuseur. Il y a aussi une certaine négociation; pour Les Clés de la République, c’est un programme quasiment militant qui nous offre toutefois une visibilité forte et un vrai plaisir éditorial. Cela nous permet aussi d’en faire la déclinaison comme la web série d’éducation aux médias pour les jeunes, SCRNZ que nous faisons pour FTV éducation entre autres projets.

Notamment en matière de documentaires…

Nous sommes en effet en plein tournage avec le réalisateur Yves Jeuland qui a déjà réalisé pour nous Le président (sorti en 2010 sur grand écran). Il a suivi cette fois François Hollande pendant six mois, avec une diffusion prévue en septembre 2015 sur France 3. L’occasion de s’interroger sur l’exercice du pouvoir présidentiel et sur le rapport entre la communication et le temps politique, comment celui-ci se transforme en contrainte ou en levier.

En plus de ce portrait du pouvoir, nous travaillons avec le photographe Sébastien Calvet à un livre interactif sur la théâtralité présidentielle et ses différentes scènes. Enfin, avec Aude Vassallo, une documentariste, nous interrogeons toujours sous différents motifs le rapport des Présidents de la Veme République avec la télévision.  En somme, cette même question de la politique et de l’image est abordée sous trois prismes différents: Intérieur, extérieur et historique.  Le numérique propose ici une remise en cause et un enrichissement du récit. Nous y travaillons avec les  Nouvelles Ecritures de France Télévisions. Nous avons également un projet avec Arte et la réalisatrice Stéphane Mercurio sur la vie en camping qui apparait comme une réponse à la fois subie mais aussi volontaire de personnes en rupture avec la société. Il y aussi des fictions en préparation.

La fiction est désormais un passage obligé pour tout producteur, là où l’on gagne de l’argent?

Nous avons une identité forte dans le documentaire mais c’est vrai que le jeu rapporte plus dans la fiction. La tendance actuelle étant un cinéma de plus en plus inspiré du réel, nous avons tout à fait vocation à être « transgenre ». Regardez des films comme L’exercice du pouvoirou Margin Call, on est à la limite du documentaire dans ces récits.

 

Par Laetitia Monsacré

 

 

 

 

 

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