13 mai 2015
Edwin Crossley-Mercer, une carrière enchantée

ukgp

Si La famille Belier a montré qu’ une chorale de lycée pouvait transformer la vie d’une adolescente, Edwin Crossley Mercer qui tient ce nom de son père irlandais, confirme en ce mois de mai où celle de son école auvergnate l’a mené: au sommet. Enfin, un des premiers dans la carrière de ce baryton qui vient d’achever les représentations de la reprise de La Flute enchantée version Robert Carsen avant d’attaquer le rôle de Brander dans La Damnation de Faust en décembre, à Bastille. L’occasion pour celui qui chantait des Lieder dès l’enfance- sa famille maternelle est alsacienne- de se glisser avec bonheur dans le rôle de Papageno, la glacière à la main remplaçant la cage à oiseaux, le tout avec un jeu touchant à l’ évidence dont les premiers rangs du parterre ont pu apprécier l’expressivité confondante. Voilà qui reste cependant un rôle parmi tant d’autres d’ une carrière de soliste passée loin de Berlin où il vit « avec des colocataires »; autant de mois partagés entre répétitions et représentations du Japon à Los Angeles. C’est à Paris, dans le Marais et devant une bavette juteuse de Salers, que la voix de basse de ce trentenaire séduisant au cheveux poivre et sel tente de couvrir le brouhaha ambiant avant d’aller sur scène le soir même retrouver Tamino et trouver enfin dans l’acte final sa Papagena.

Vous souvenez-vous de votre premier rôle sur scène?

Celui pour lequel j’ai été payé ou pas? La première fois c’était à 19 ans à Choisy le Roi, puis mon premier engagement à 23 ans à Berlin au Staatsoper pour La Veuve Joyeuse. Il y a eu ensuite des petits rôles toujours à Berlin où je suis resté suite à des rencontres. Une carrière est le résultat de cela, les rencontres, les professeurs de chant qui vous guident, les auditions qui vous ouvrent des lieux; lorsque cela se passe bien, on vous reprend après la prochaine fois.

Vous sentez-vous particulièrement à l’aise dans la langue allemande?

Les Lieder remontent en effet à mon enfance avec ma grand mère alsacienne; la Flute enchantée est le premier opéra que j’ai entendu. Après, j’ai du, comme beaucoup de solistes, « attendre »; c’est quelque chose que l’on doit accepter dans ce métier.

Quelles ont donc été les étapes pour vous retrouver en Papageno à Bastille?

Cela fait déjà cinq ans que je chante pour l’Opéra de Paris; j’ai fait Arlequin dans Ariane à Naxos pour lequel j’avais passé une audition sur la scène de Garnier suite au conseil de Philippe Jordan; il y a eu ensuite Carmen,  Arabella, la Veuve joyeuse avant cette Flute Enchantée.

C’est un personnage très humain, avec ces petites lâchetés comme il en existe peu dans l’opéra…

Il faut par ailleurs être un bon acteur avec tous les passages parlés. J’ai souvent peur d’oublier une ligne de texte mais je ne m’attendais pas à me sentir aussi à l’aise dans ce rôle qui est très réaliste.

Comment vous préparez-vous chaque soir?

Je fais tout d’abord une longue série de vocalises au piano dans la loge où j’arrive environ deux heures avant la représentation. Et durant la journée, je m’économise. J’évite de parler! Chanter s’accompagne d’une vraie hygiène de vie et d’une certaine discipline; lorsque l’on va chez l’ORL, c’est déjà trop tard…

Y-a-t’il une sensation particulière avec le public de Bastille?

Il est  très loin de la scène, alors on ne les entend pas vraiment rire! C’est vrai que le parterre parisien n’est pas forcement le plus demonstratif que l’on peut trouver et se lève vite à la fin. Maintenant si le régisseur de rideau est fort, avec les gens qui se lèvent à peine le spectacle fini, ça peut finir en une standing ovation! Le public berlinois est lui particulièrement sensible au personnage de Sarastro; la figure du chef tutélaire plait beaucoup aux allemands!

Vous avez votre carnet de bal rempli pour deux, trois ans, quel effet cela fait-il de se projeter autant?

C’est très difficile car on ne sait pas toujours comment la voix va se développer. En plus, il y a des opéras qui programment moins en amont que d’autres; on est alors obligé de refuser un rôle qui vous aurait plu comme celui de Don Giovanni à Buenos Aires en mars prochain car je suis engagé à Dallas. Mais c’est la règle du jeu, tout comme de ne pas voir sa famille, ni la campagne. Il y a beaucoup de « villes » et d’aéroport dans une carrière lyrique mais je ne vais pas m’en plaindre, j’ai encore trop de belles expériences à vivre pour que cela me gêne…

Un festival dans les montagnes japonaises l’accueillera cet été en attendant les rôles qu’il ne veut pas nommer, ce natif du lion étant logiquement plus dans le « faire » que le « rêver ». Il semblerait que cela lui ai porté chance…

Par Laetitia Monsacré


La Flûte enchantée de Mozart – Air de Papageno par operadeparis

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