27 mars 2015
Le Petit Palais, de Rome à la salle Favart

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Voilà un musée des plus agréables. Outre sa collection permanente dont on ne peut se lasser, ses salles lumineuses, son jardin intérieur avec des cerisiers en fleurs en ce mois de mars et son café-restaurant qui offre un rapport qualité prix de premier ordre avec des plats du jour comme ce risotto au poulet fort honnête, le Petit Palais propose des expositions toujours remarquables. Ainsi les Bas fonds du Baroque, donnant à voir la Rome des tavernes et des « marges », aujourd’hui qualifiés de marginaux qui s’étalent au fil des tableaux exposés. Rome la ville éternelle, ville des empereurs et des papes,  capitale fastueuse mais également de la luxure. On s’y enivre avec les « Bentvueghels », littéralement « oiseaux de la bande »- autant d’artistes hollandais, flamands, français, allemands et espagnols qui venaient ici à la fin du XVII ème siècle pour la lumière et accessoirement pour célébrer Bacchus… Charmes et sortilèges ne sont pas loin avec des femmes à la cuisse légère ou détentrices de savoirs occultes, Mélisandes avant l’heure. De là naitront des toiles montrant tavernes, rues sombres, et ruines où l’on satisfait ses besoins naturels à moins que l’on ne s’y prostitue comme le montre le peintre français Claude Lorrain. Les mendiants deviennent sujet de toile dans la plus pure tradition du genre, présentés dans les différentes salles sur des murs tendus de satin rouge sang et de grands miroirs pour une mise en abime.

Carmen, boudée, Mélisande, encensée

Le rouge est encore mis dans l’exposition De Carmen à Mélisande. C’est ici celui du velours des sièges de la salle Favart, abritée dans cet Opéra Comique qui offre à Paris une programmation des plus originales et inspirée depuis sa création il y a trois cents ans. A l’époque, on y louait les loges en entier ce qui n’offrait que 1500 places pour découvrir d’honnêtes partitions destinées « aux familles » comme s’en vantait son directeur d’alors, Adolphe de Leuven. Aussi, Bizet qui argumentait que  » l’adultère, le fanatisme, le crime, l’erreur, le surnaturel supprimé à l’opéra, il n’y a plus moyen d’écrire une note » , eut-il grand mal à y faire accepter sa Carmen, femme de petite vertu, qui fut boudé à sa création. La partition originale, propriété de la BNF est présentée en vitrine, contrairement à celle des Contes d’Hoffman qui brûla dans l’incendie survenu en mai 1887 pendant une représentation de Mignon. Un drame meurtrier que l’on peut revivre grâce à un extrait du film Douce de Claude Autant Lara et les photos de l’époque. Offenbach avait créé son célèbre opéra six ans plus tôt,  avec une seule cantatrice pour les trois rôles féminins; vint ensuite Lakmé, immense succès de Léo Delibes en 1883, opéra qui permet de revoir en vidéo  la merveilleuse Sabine Devieilhe chantant l’air des clochettes, et Manon par Jules Massenet. Costumes, croquis des décors, chaque création d’opéra est remise à jour comme Le rêve d’Alfred Bruneau aux inspirations des plus mystiques, opéra salué à sa création par Gustav Malher et que le successeur de Jérôme Deschamps, Olivier Mantéi aurait fort belle initiative de remonter après sa disparition du répertoire en 1947. L’exposition s’achève sur Pelléas et Melisande de Debussy  qui fera le bonheur de Proust, lequel l’écoutait chaque soir de représentation  du fond de son lit grâce à son abonnement au Theâtrophone, un système de captation par téléphone.  » Rester humain et naturel » voilà ce que recherchait chez ses chanteurs le compositeur qui connut son heure de gloire contrairement à Bizet dans ce lieu qui a gardé encore aujourd’hui,grâce à sa petite salle, tout son  charme.

LM

 

 

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