12 septembre 2014
Andante

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Si la rentrée politique a été des plus chargée, la saison musicale parisienne s’éveille tranquillement avec la reprise à Bastille de La Traviata assez platement mise en scène par Benoît Jacquot, donnée à guichets fermés en juin dernier. S’y ajoute, à partir du 19 septembre  une nouvelle production du Barbier de Séville réglée par Damiano Michieletto, spectacle qui a déjà tourné dans toute l’ Europe depuis 2009…Voilà pour la  fin de règne de Nicolas Joël qui se combine avec les adieux de Brigitte Lefèvre – vingt ans à la direction de la danse – samedi 4 octobre, dans un programme néoclassique Lander-Forsythe plus le traditionnel défilé de l’Ecole de danse, avant de passer officiellement le relais à Benjamin Millepied à la fin du mois d’octobre.

Octobre, le grand départ

Car les choses sérieuses ne commenceront vraiment qu’en octobre : même si la première saison de Stéphane Lissner a été composée par son prédécesseur, ce sont deux nouvelles mises en scène qui feront l’actualité à l’Opéra de Paris : Tosca par Pierre Audi, remplaçant enfin la version usée jusqu’à la corde de Werner Schroeter, à partir du 10 à la Bastille, et Zabou Breitman qui fera ses premiers pas forcément très attendus dans le monde lyrique à Garnier dans un Mozart moins joué que d’autres, L’Enlèvement au sérail, sous la baguette de l’incontournable Philippe Jordan – gala Arop à l’appui. Un avant-goût des très grandes ambitions revendiquées du nouveau patron des lieux qui a eu droit à une dérogation sur l’âge de la retraite pour prendre ses fonctions. De quoi donner des idées…
Paris toujours, avec un Castor et Pollux au Théâtre des Champs Elysées dirigé par Hervé Niquet et un bouquet de divas de la nouvelle génération comme Sonya Yoncheva. Anniversaire oblige, une autre production de l’ouvrage de Rameau est programmée à Dijon et Lille, sous la férule d’Emmanuel Haïm, et un autre panel de solistes français non moins talentueux. On notera encore à l’agenda de ce mois d’octobre décidément très commémoratif, la reprise du concert le 5 octobre des Boréades présenté par Marc Minkowski à Aix en juillet dernier et le 14 Les Agrémens et le Chœur de chambre de Namur dans Le Temple de la Gloire, créé en 1745 pour célébrer la victoire de la France dans la guerre de Succession d’Autriche, sur un livret de Voltaire.

Commémorations, de Rameau à la Norvège

Bien moins médiatisé, le baptême d’Olav, il y a mille ans à Rouen, alors que les Vikings occupaient la Normandie, joue dans l’histoire de la Norvège un rôle similaire à la conversion de Clovis pour la France, liée ici de manière inattendue aux destinées d’une lointaine nation nordique. Bravant le manque d’intérêt soulevé par la commémoration, Dordi Glaerum Skuggevik, écrivaine norvégienne, a engagé ses propres fonds pour produire un oratorio composé par Ole Karsten Sundlisaeter,  relatant cet épisode fondateur. Créé à Stavanger le 17 septembre, elle sera donné en première française à la Cathédrale de Rouen le 15 octobre, et deux jours plus tard à Saint-Clotilde à Paris. Eglise et musique seront, une fois de plus, main dans la main.
Actualité également chargée en Province, avec en ouverture de saison, la reprise, du 10 au 14 octobre, de la Lakmé de l’Opéra Comique à Toulon, dirigée par Giuliano Carella, et avec à nouveau Sabine Deviehle dans le rôle-titre, tandis que Lyon programmera Le Vaisseau fantôme, confié au turbulent Alex Ollé de la Fura del Baus – à partir du 11 octobre.

Les trois cents ans de l’Opéra Comique

La Toussaint arrive et ménage une relative pause, même si les balletomanes iront peut-être à Garnier revoir Rain de Tesesa de Keersmaeker – du 21 octobre au 7 novembre. Un parfum de baroque continuera à flotter sur la France : outre Rameau encore et toujours à Versailles, Nantes et Angers feront venir entre le 2 et le 16 novembre l’Elena de Cavalli qui avait fait sensation à Aix-en-Provence l’été dernier, que redonnera ensuite Rennes quelques jours plus tard – l’union de la Bretagne serait-elle en marche, du moins à l’opéra ?
2014, année d’anniversaires certes, mais 2015 au moins autant : l’Opéra Comique fête cette saison ces trois cents ans. Dernière sous la direction de Jérôme Deschamps, avant les travaux et le passage de témoin à Olivier Mantéi, elle s’ouvrira par un concert le 13 novembre 2014, avec quelques des plus brillants interprètes du répertoire français, et dirigé par François-Xavier Roth. Vente de costumes de scène, exposition, colloque, la maison s’affichera tout au long de l’année

Des fêtes et des mécènes

La fin d’année arrive et l’Opéra de Paris s’assoupit sur ses succès – incontournable Casse-Noisette à Bastille et La Source à Garnier, qui peut toujours se permettre un soupçon d’originalité grâce à ses ors légendaires sous lesquels s’empressent les touristes assoiffés des lumières de la capitale, tandis qu’avec La Bohème et Hansel et Gretel, le département lyrique ne prendra pas de risques. Sans doute Marc Minkowski et Ivan Alexandre en prendront-ils davantage à Favart, à partir du 21 décembre, concurrents de La Grande Duchesse de Gérolstein que la compagnie Les Brigands redonnera au Théâtre de l’Athénée. Et côté province, entre les Belle-Hèlene d’Avignon et Toulon, on pourra faire un tour du côté de la Loire avec le piquant Barbe-Bleue, rare chef d’œuvre d’Offenbach, dans la brillante mise en scène de Waut Koeken vue à Nancy au mois de février – du 12 au 19 décembre à Nantes et du 11 au 15 janvier à Angers.
Ce sera alors le temps des vœux, le Ballet royal de Suède viendra à Garnier avec Juliette et Roméo de Mats Ek : première le 6 janvier et gala Fedora, associant réunissant l’Arop à ses petites et grandes sœurs d’Europe. En ces temps de crise des finances publiques, on compte de plus en plus sur les mécènes privés et entreprises pour prendre la suite. Les noces de l’art et de l’argent n’ont jamais cessé, et aujourd’hui moins que jamais… 2015 commencera, mais ce sera une autre histoire…

  Par Gilles Charlassier

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