29 mai 2014
Celine Curiol/ Chute libre

Un_quinze_ao_t_Paris

La cloche de verre, l’intranquilité, la maladie de la mort, le spleen, l’existence en surnombre, la volonté agitée. De Rainer Maria Rilke à Sylvia Plath, en passant par Pessoa ou Baudelaire, Céline Curiol a retrouvé dans cette « histoire d’une dépression » tous les noms qu’on avait pu donner à cette descente aux enfers. Cette maladie que l’on peine à nommer, qui semble si mystérieuse à ceux qui ne l’ont jamais vécue et qui vous isole du monde mais avant tout de vous même. Un été, cette jeune romancière, suite à une rupture, s’est retrouvée la proie de ce mal, cet abîme qui frappe en silence tant d’hommes et de femmes, et dont certains en ont tiré un récit: William Styron, Philippe Labro, Sylvia Plath ou Julia Kristeva. Plus de goût à rien, ni lire, ni écrire, un psychiatre parti en vacances et Paris un 15 août, vide si vide. Le livre parle moins de son expérience que de la somme des recherches qui ont été faites sur ce qu’on peine encore à nommer maladie tant elle reste mystérieuse. On ne nomme pas ce que l’on ne connait pas; en l’expérimentant elle-même, Céline Curiol tente à posteriori à travers ses lectures de comprendre, disséquer ce qui la priva de vie pendant plusieurs mois au point de vouloir en finir. Elle revient ainsi sur son « impossible solitude », ce besoin en permanence d’en « parler » en espérant avec les mots parvenir à la terrasser, puis cette vie sous sédatifs auxquels elle résiste afin de ne pas perdre le contrôle. « Il y a un seul plaisir, celui d’être vivant, tout le reste est misère ». Car c’est un métier que de vivre comme l’a écrit Cesare Pavese, un « métier » que Céline retrouvera au fur et à mesure, en se soignant mais aussi en instaurant des rituels, en recommençant à voir à nouveau le monde qui l’entoure, lui prêter attention et profiter des petites choses de la vie avec une saveur devenue toute particulière comme elle le raconte dans son chapitre sur le « retour des sensations ». Un livre fort et instructif pour mieux comprendre « ce“ je“ qui se refuse » et qui confirme que le salut vient ainsi de ce « moi » et de lui seul, une fois qu’il s’est retrouvé.

LM

Un quinze août à Paris de Céline Curiol, publié chez Actes Sud

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