24 mars 2014
Aller au salon ou lire?

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Après les vaches et les poules, voilà les livres qui ont investi ce week-end la Porte de Versailles, avec à la clé 198 000 visiteurs (8 000 de plus que l’an dernier). On y trouvait comme dans la plus grande ferme de France, des poids lourds-le taureau de plus d’une tonne étant ici remplacé par la frange blonde de Katherine Pancol ou tant d’autres écrivains bankables (Michel Drucker a fait un carton-sic) édités sur des stands loués 40 000 euros par les grosses maisons d’édition; la chasse à la tranche de saucisson gratuite fait alors place à une dédicace que certains attendront des heures, gribouillis plus ou moins indéchiffrables et personnalisés que l’on ne manquera pas de combiner avec un selfie. De quoi satisfaire l’égo de ce lecteur anonyme qui aura pu voir en vrai ces pauvres auteurs attablés sous les néons comme les charolaises ou autres lapins géants. Maintenant, qui parmi eux s’en plaindrait? Etre reconnu, n’est-ce pas le but de chacun d’eux qui vivent pour la plus grande majorité si mal de leur métier?

Et la littérature dans tout ça?

Il faut dire qu’avec plus de 70 000 titres publiés en 2012, des ventes en recul de 4 %, un tirage moyen autour de 7000 exemplaires-en recul de 4% et dix auteurs qui ont en 2013, réalisé presque un quart des ventes en littérature française soit 7 millions d’exemplaires pour Guillaume Musso, Marc Levy ou 50 Nuances de Grey et autres romans de gare, il y a de quoi pour certains écrivains d’être tenté de se reconvertir dans l’élevage de chèvres dans le Larzac-pas plus rémunérateur mais sans doute moins déprimant que bosser deux, trois ans sur un livre qui, s’il a déjà la chance d’être publié,  a de bonnes chances d’être mort-né. Mais ne gâchons pas la fête, avec cette idée que chaque année, loin des travées de la porte de Versailles placées sous la férule du tentaculaire groupe Reed (organisateur également de la FIAC) , vous pouvez aller chez votre libraire préféré découvrir des livres qui vous feront voyager de la Roumanie des Ceaucescu-admirable Petite Communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon chez Actes Sud; « sentir » la guerre de 14-18 à travers un récit des plus originaux, Le collier Rouge de Jean-Christophe Rufin chez Gallimard à moins que cela ne soit celle d’Afghanistan dans Voir du pays de Delphine Coulin chez Grasset, sans oublier les beaux livres comme ce sublime ouvrage consacré à Jean Patou, une vie sur mesure d’Emmanuelle Polle chez Flammarion. A préférer largement à ces petits carrés en papier qui fleurissent avec plus ou moins de bonheur sur les présentoirs et que l’on ne peut décemment plus nommer livres vu leur contenu à l’image de 100 bonnes raisons d’avoir un chien plutôt qu’un homme, (éditions Cherche Midi)-un dessin, une pensée( idiote) qui, si elle est un peu plus élevée chez Karl Lagarfeld-Le Monde selon Karl (Flammarion) ne vous offriront qu’un énième exemple de totale et désespérante vacuité.

Par Laetitia Monsacré

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