2 mars 2014
Roger Mitchell et Lindsay Duncan/ Exercice de style

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Press junket: exercice incontournable dans l’industrie cinématographique visant à être un numéro chargé de recueillir quelques mots de comédiens ou de réalisateurs prisonniers d’une salle pour assurer ce que l’on appelle la promotion de leur film. Un marathon pour eux, un supplice pour l’intervieweur. Comment en effet créer cette « troisième personne » dans un cadre aussi formaté et pauvre? Pour la première fois, JimlePariser a tenté l’expérience -en plus en anglais- avec le réalisateur Roger Michell et l’actrice Lindsay Duncan-ravissante sexygenaire, de passage à Paris pour le délicieux Un week-end à Paris, ou comment un couple va s’autoévaluer après trente ans de mariage. Les deux assis sur une chaise, nous en face, avec l’idée d’essayer de nous démarquer avec nos questions, en se rendant vite compte que l’accent écossais de la comédienne nous permet à peine de comprendre les réponses et que le réalisateur était malgré le fait qu’on soit les premiers, déjà un peu ailleurs (ou toujours en train de digérer son déjeuner…). On a du coup finit par parler restaux et de la fermeture, intervenue depuis, du Plaza Athénée où le film a été tourné- du « little talk » en règle,  après ceci…

On réalise avec vous quelle ville séduisante nous habitons, comment vous sentez-vous de revenir y vendre le film?

On a adoré filmé ici, ça vaut largement Calgary! C’était important de ne pas en faire une carte postale, d’être un film honnête. Ça montre aussi comment on pense qu’une ville peut vous faire croire que tout va redevenir magique grâce à elle. D’ailleurs, il arrive que ça marche! C’est très souvent qu’on investit dans un lieu, un objet une relation.

Les Parisiens sont censés être désagréables avec les étrangers, vous ne l’avez pas montré…

Tous le monde a été très polis avec nous, c’est une ville géniale pour marcher, pour prendre le métro, on ne peut pas se plaindre du traitement qui nous a été fait. Mais c’est vrai qu’on a été d’un endroit agréable à un autre…

Chateaubriand a écrit que la vieillesse est un naufrage, que pensez vous de cette phrase?

Un naufrage est souvent rapide, alors que vieillir est un processus lent…On commence à avoir besoin de lunettes, avoir du mal à lacer ses chaussures, mais je ne trouve pas que cela soit un désastre total. On a des limitations, mais aussi des choses merveilleuses qui arrivent. On se connait mieux, on connait mieux les autres. L’appétit peut toujours être là, ça dépend après de combien il en reste.

Ce couple de retraités est en tous cas bien plus jeune que les jeunes d’aujourd’hui, à l’image du fils de leur ami américain, totalement désabusé

Etre jeune n’est pas simple aujourd’hui; les jeunes doivent gérer beaucoup de choses. Notre jeunesse a été beaucoup plus simple! Ce voyage, c’est en tous cas la tentative de retrouver la fraicheur dans leur couple.

Le dîner dans vos films est toujours un moment de catharsis comme celui où ils se rendent invités par cet ami américain…

Il y a beaucoup de négociations qui se passent autour d’une table, c’est une place très importante dans la vie. Dans ce film,  c’est un moment tectonique, avec cette idée du « dernier souper ». Dans une place publique, c’est toujours civilisé, mais là, comme c’est dans un endroit privé, on peut se lâcher.

« Aimer c’est toujours détester à un moment »  dit un de vos personnages. Vous le pensez vous même?

Le film est un portrait de deux personnes qui vieillissent ensemble et montre l’aller-retour entre les sentiments qui les unissent. Aimer/ne plus aimer, c ‘est le fondement même de la vie, surtout dans leur cas où ils sont restés très longtemps ensemble. Je voulais faire un film sur le mariage avec tous ses passages.

La femme semble beaucoup plus forte dans sa volonté de ne pas renoncer à ses idéaux…

Oui, elle le questionne dans leur relation ce qui est généralement toujours le cas: les femmes sont celles qui quittent l’homme le plus souvent; elle se demande si cela a encore un sens de continuer car elle a un appétit pour la vie et a le courage d’affronter ce problème. Elle se cherche et n’hésite pas a le faire. En Angleterre, le taux de divorce est de 60 % aujourd’hui; les gens ont plus d’attentes, ils veulent un « troisième acte », après que les enfants soient partis. Le film est finalement une analyse sociologique sans que nous en ayons eu vraiment conscience en le tournant.

Après Coup de foudre à Notting hill– son film le plus connu et  bankable- Roger Michell signe en tous les cas ici une comédie fort enlevée et réjouissante avec cet humour british si particulier et qui fait de ce Week end à Paris un véritable bonbon anglais à s’offrir sans restriction.

Par Laetitia Monsacré

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