10 décembre 2013
Adrien Soland/ Metteur en image

Des mots et des images. En voyant le premier plan d’Adrien Soland sur ces nouveaux Carnets de route-des épis de blé mouvants sous le vent- le téléspectateur sait immédiatement qu’il sera, une heure durant,  bien traité. Ecouter ces formidables témoins de notre époque que sont les écrivains « entre leur analyse assez amère ou leur capacité à offrir un monde réinventé », mais également donner à voir les lieux qui les ont inspirés et saisir la poésie de la nature qui nourrit leur oeuvre, voilà tout le talent de ce réalisateur qui a par ailleurs touché à tout. Documentaire avec Dans la peau d’un noir, diffusé sur Canal+, meetings de François Hollande, la messe le dimanche matin- » une vraie pièce de théâtre »-ou encore Faut pas rêver sur France 3 et 28 minutes, avec Elizabeth Quin chaque soir sur Arte, Adrien Soland le confirme: « j’adore expérimenter ». Et se lancer des défis comme en adaptant en ce moment une nouvelle de Franck Courtès, tirée de son premier livre Autorisation de pratiquer la course à pied, tout en étant au rendez-vous chaque jeudi soir de La Grande Librairie, émission emblématique de France 5-350 000 téléspectateurs en moyenne- qu’il produit désormais avec François Busnel, son présentateur depuis cinq ans.

Comment êtes-vous devenu réalisateur?

Je suis un enfant de la télé; je n’ai fait aucune école en commençant tout en bas dès 18 ans comme stagiaire puis avec un jeune cadreur, Renaud Le Van Kim. Je l’ai ensuite suivi, devenant son cameraman quand il est devenu réalisateur et moi-même réalisateur quand il est devenu producteur. Ensemble, on a fait dix ans avec Canal+, dont Les Guignols  de l’info, du sport, Nulle part ailleurs-une époque un peu folle…

Et la rencontre avec François Busnel?

Je suis devenu le réalisateur de la Grande Librairie lorsque François Busnel est arrivé sur France 5 et un an après, à la suite d’un voyage à New York on a décidé de monter notre boite de production, Rosebud, en référence à Orson Welles. J’avais par ailleurs travaillé sur les émissions littéraires de Guillaume Durant et de Poivre d’Arvor.

Y-a-t’il une façon particulière de filmer un écrivain?

C’est très difficile à faire d’autant que l’émission n’est pas un débat, ce qui reste la seule recette « sûre » en audience. Le rythme aujourd’hui est très rapide, le téléspectateur est de moins en moins captif en matière d’audimat. Il faut donc multiplier les plans même si nous avons aujourd’hui nos fidèles. L’émission est par ailleurs très préparé avec François qui nous lit ses questions au préalable, chacun étant censé, du rédacteur en chef à la productrice, Priscilla Pizatto,  représenter un certain type de spectateur. Je sais donc à l’avance ce qui va venir avec toutefois vu que nous sommes en direct, toujours des surprises. Pour improviser, il faut savoir ce qui vient avant et après. On essaye également de faire des « spéciales » comme sur le cinéma ou avec Stephen King en invité unique sachant qu’ en face de nous la concurrence est terrible notamment Arte et ses séries le jeudi soir.

Vous lisez vous-même?

Je n’ai pas le temps avec la quotidienne 28 minutes sur Arte que j’ai mis en place, même si à chaque fin de La Grande librairie, j’ai envie de tout lire.

Les Carnets de route sont arrivés de quelle façon?

Lorsque nous sommes allés à New York pour une spéciale Grande Librairie, François m’a fait découvrir cette ville que je ne connaissais pas. Ça a été une claque monstrueuse. On est aujourd’hui une équipe de huit pour mettre en place la séquence, deruscher le soir comme dans cette nouvelle série tournée cet été au Royaume Uni. Je ne suis pas un solitaire, j’aime le travail à plusieurs; je connais aussi mes faiblesses et sais m’entourer. François m’a par ailleurs permis d’évoluer, il m’a enrichi sur le fond et m’a fait confiance. Il y a une vraie complémentarité qui permet de « courir l’épreuve », avec chaque jour de la route, sans repérage.

L’idée de montrer la route, qu’elle soit une liaison, s’est tout de suite imposée à vous?

Pour associer littérature et voyage, il faut voir le paysage. Comme fil rouge, on a alors décidé de montrer la route et donc la voiture. Il y a ainsi plusieurs niveaux de lectures: aller d’un point à un autre pour rencontrer un écrivain, mais également le voyage de François avec des apartés-une ville fantôme comme aux Etats-Unis ou le village où Shakespeare est né, près de Londres.

Comment l’écrivain réagit-il face à vos caméras?

J’appréhendais un peu que les écrivains anglais ne soient pas aussi faciles à aborder que les américains. Beaucoup vivent en plus à Londres donc ce n’était pas évident de multiplier les lieux, surtout en fonction de leurs disponibilités pendant l’été. On a donc décidé de les faire venir sur les lieux qui les avaient inspiré dans leur oeuvre comme Jonathan Coe. Lorsque l’on est dans leur maison comme pour David Lodge, on filme dès que l’on arrive, après avoir visité la maison. L’équipe, six personnes,  a un mot d’ordre: la discrétion; on ne se branche pas non plus en lumière chez eux pour un maximum de respect. Généralement, nous avons une journée pour tout faire avec, à l’avance, le scénario de chaque prise déjà décidé. En fonction du feeling, on essaye alors de récupérer des séquences « bonus »- voir l’écrivain descendre l’escalier, etc…

Des écrivains refusent-ils l’exercice?

C’est avant tout un problème de disponibilité mais on a très peu d’écrivains incontournables qui nous échappent.

 

On ne prête qu’aux riches. Au vu du nombre d’émissions qu’Adrien Soland compte à son actif, il semble que son nom n’a pas fini de s’inscrire sur les écrans. Les écrivains et François Busnel vont devoir partager…

par Laetitia Monsacré

 

Les Carnets de Route de François Busnel, diffusé jeudi 19 décembre 2013 à 20heures 30 sur France 5, premier volet dans la campagne anglaise

 

 

 

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