20 août 2013
Avignon/ Et Dieu créa la femme

La cité des papes un dimanche d’août. Voilà un bien étrange contraste avec la ville fourmillante que l’on avait laissée en juillet… Une belle endormie où l’on croise des touristes tous regroupés autour du Palais des papes qui, avec la collection Lambert , ouverte en 2000 en son bel hôtel de Caumont rend hommage cet été 2013 à cinq artistes femmes dans une exposition baptisée Les Papesses. Le titre est un hommage à Jeanne la Papesse, femme érudite qui fut pape au IVème siècle, cachant sa féminité laquelle la perdit puisqu’elle mourut en accouchant d’un enfant lors d’une procession publique place Saint Pierre de Rome. Punie du châtiment suprême par la chair et l’enfantement, il n’en fallait pas plus pour qu’elle inspire cette exposition qui confronte Camille Claudel « la plus moderne de nous «  d’après Kiki Smith, artiste-star américaine invitée tout comme feu Louise Bourgeois, Jana Sterkback, canadienne et la Belge Berlinde de Bruyckere  à s’associer à cet accrochage très cérébral. A faire donc avec le cahier de visite, fort bien réalisé et  justifiant la coexistence des bronzes à facture classique- même s’ils sont admirables de modernité de l’artiste maudite Camille Claudel-avec les univers torturés de Bourgeois ou plus encore les bois de cerfs ou les écorchés de Berlinde de Bruyckere. Celle-ci, la plus jeune des cinq, a en effet choisi en de montrer toute la souffrance humaine ou animale à travers des sculptures en cire-très réalistes et virtuoses rappellant l’univers torturé de Francis Bacon; malheureusement cela n’est pas très adapté à un public de touristes et d’enfants obligés à découvrir ces installations dans la grande galerie du Palais des Papes -dommage que le commissaire de l’ exposition, par ailleurs directeur de la Collection Lambert n’y ait pas songé…

Une grande absente: Niki de Saint Phalle
On peut aussi regretter qu’une artiste comme Niki de Saint Phalle, particulièrement « papesse » également dans son travail, n’ait pas été sélectionnée tandis que la collection Lambert laisse une grande place à la rétrospective d’une artiste bien vivante et donc bien plus productive comme Kiki Smith dans tout son rez-de-chaussée. Voilà qui ne doit pas empêcher de saluer l’association et cet accrochage où l’on découvre les dessins et cellules de Bourgeois-sur la jalousie ou l’hystérie comme » tu copieras 200 fois Je t’aime », son énorme araignée particulièrement majestueuse au Palais des Papes où règne une proximité particulièrement agréable avec  les oeuvres présentées sur de simples tabourets ou in situ comme cette femme au bûcher de Kiki Smith qui vous accueille dans la loggia; l’occasion de voir également des lieux rarement montrés au public  comme la salle de la Tour de Gache ou la chambre accueillant le lit de pain de Jana Sternac qui expose également ses magnifiques boules de verre soufflé dans les deux lieux. Les jardins de Benoit VI accueillent en plein air les « welcoming hands » de Louise Bourgeois dont on retrouve l’obsession pour la fécondité et la figure maternelle- sa mère est morte très jeune, ce qui poussa la jeune Louise à essayer de se suicider- dans des aquarelles à la collection Lambert qui expose également le dossier d’internement de Camille Claudel-trente années passées à l’asile de fous de Montfavet, le plus important de France et encore actif aujourd’hui, non loin d’Avignon. C’est toute la haine destructrice de la mère et la lâcheté de son frère Paul qui sont ici donnés à voir à travers des lettres et des notes-interdiction de visite, déclassement pour qu’elle coûte moins cher alors que les lettres de Camille montrent toute sa clairvoyance et son désespoir d’être ainsi prise au piège. De quoi se dire que la condition des femmes dans le monde occidental a considérablement évolué et que naître au XXème sicle fut pour les quatre autres femmes ici présentées la première chance de leur vie d’artiste.

LM

Les Papesses jusqu’au 6 novembre- billet couplé pour les deux expositions à acheter en priorité à la Collection Lambert-vous y éviterez la file d’attente commune à la visite du Palais des Papes. 15 euros .

Les « welcoming hands » de Louise Bourgeois, présentés en exterieur

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