26 mai 2013
Résurrection en technicolor à l’Opéra-Comique

C’est avec une histoire digne des Mille et une Nuits qu’Henri Rabaud connut le succès, à tel point que Mârouf, Savetier du Caire fit le tour du monde au lendemain de la Première Guerre mondiale. Puis l’œuvre est tombée dans l’oubli à partir des années cinquante, davantage victime du changement de mode pourtant que de la compromission du compositeur avec le régime de Vichy. Directeur du Conservatoire de Paris, il prit le devant des lois antisémites en dénonçant professeurs et étudiants juifs, sans se soucier de leur destin puisqu’il prit sa retraite un an plus tard, en 1941. Il faut dire que le livret de Lucien Népoty, par ailleurs plein de pépites « regorge d’images surannées et d’expressions au parfum d’exotisme colonial autant que du machisme de la Belle-Epoque – ainsi du « ô palmier dont je suis la palme pendante » par lequel la princesse s’adresse à son époux et « maître » Mârouf. A vrai dire, ce comique en partie involontaire participe aujourd‘hui du charme de l’ouvrage.

De la couleur sur scène et dans la fosse

D’autant que Jérôme Deschamps a imaginé une mise en scène colorée et pleine d’humour avec des costumes désopilants; fraise géante sur le chapeau du patissier, loup et peluche sur celui du vizir, hommes déguisés en ânes à la langue pendante ou encore cette étonnante robe parachute pour la princesse. Dommage toutefois que les décors laissent apparaître l’appareil technique de la scène aux deux premiers actes, si poétique dans le Cendrillon de Viardot, mais hors-propos pour l’univers merveilleux de ce conte. L’abondance de couleurs, on la retrouve dans l’orchestration chamarrée et éclectique – on y reconnaît entre autres autant l’orientalisme à la Rimski-Korsakov que le sens du rythme d’un Stravinski ou encore les échos d’Ariane et Barbe-bleue de Dukas –  servie avec une irrésistible vitalité par Alain Altinoglu et un Philharmonique de Radio-France en belle forme.  Dans le rôle-titre, Jean-Sébastien Bou déborde d’énergie, à laquelle répond la sensualité généreuse de Nathalie Manfrino. On ne boude pas notre plaisir face au Sultan veule et affecté de Nicolas Courjal, la Fattoumah impitoyable et impressionnante de coffre, incarnée par Doris Lamprecht ou le gourmand pâtissier Ahmad de Luc Bertin-Hugault. Sans oublier l’excellent chœur Accentus. En somme, un vrai régal que ce spectacle divertissant et huilé à la perfection. Alors que le ciel nous boude, rien ne vaut un coup de soleil à l’ombre des palmiers avec Mârouf, pauvre entre les pauvres qui deviendra riche et se reconcieliera avec les sacrements du mariage…

GC

Mârouf, Savetier du Caire, Opéra Comique, jusqu’au 3 juin 2013

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