29 avril 2013
Don Giovanni, l’amour à mort


Pour qui a en tête les bureaux de la Défense de Haneke, le plateau noir tournant de Stéphane Braunschweig paraîtra sans doute « traditionnel ». C’est qu’il ne faut pas trop bousculer les blanches et moins blanches têtes bourgeoises du Théâtre des Champs Elysées – Warlikowski l’a appris à ses dépens en décembre dernier dans une Médée qui avait fait scandale. Et pourtant, sous ses costumes et robes BCBG, la nouvelle production du directeur de la Colline fait souffler sur la scène l’irrésistible vitalité du chef-d’œuvre de Mozart. Une fois la vitesse de croisière atteinte, musique et théâtre ne font qu’un dans ce spectacle sage mais intelligent qui nous fait vivre l’aventure de Don Giovanni à travers le regard de son valet, Leporello. On aime tout particulièrement le mur de spectres momifiés sous verre, sorte de tribunal de l’au-delà dont se moque bien un libertin pour qui le four crématoire sera le dernier supplice. La mort se fait d’ailleurs omniprésente dans cette course à l’abîme jusque dans des masques aux allures de squelettes. Dommage que la direction d’acteur de cette fable qui ne se départit jamais de son ambiguïté morale, dramma qui n’oublie jamais son indissociable giocoso, connaisse quelques relâchements.

Irrésistible séducteur

Mais la baguette précise et inventive de Jérémie Rohrer, véritable coqueluche des lieux, qui dirige pour la première fois Don Giovanni, lui donne un bon coup de fouet à la tête de son orchestre Le Cercle de l’Harmonie. Ce coup d’essai se révèle un coup de maître pour ce talentueux chef qui semble avoir enfin dompté l’impétuosité de sa jeunesse – ce que l’on pressentait déjà dans le Cosi de l’an passé. Les chanteurs ne sont pas en reste, tous en excellente santé vocale, jusque, chose rare pour un rôle souvent dévolu aux basses en fin de carrière, au Commandeur de Steven Humes. Avouons tout de même notre préférence pour l’excellent Leporello de Robert Gleadow, l’Ottavio stylé de Daniel Behle ou la pulpeuse Zerlina de Serena Malfi, sans oublier Markus Werba, Don Giovanni séduisant en diable. Les applaudissements civilisés mais chaleureux prouvent qu’une bonne soirée lyrique ne fait jamais l’économie sur le fruit du travail et le talent. Sans surprise, la salle de ce samedi soir était pleine, mais on pouvait tout de même deviner çà et là quelques places libres. Tentez votre chance…

GC

Don Giovanni, Théâtre des Champs Elysées, jusqu’au 7 mai

Articles similaires