12 avril 2013

Initié il y a dix ans, Misteria Paschalia s’inscrit désormais dans le sillage des grands festivals pascals en Europe en devenant l’un des principaux rendez-vous pour les amateurs de musique baroque. Les artistes, en particulier français, ne s’y sont pas trompés et lui ont voué une fidélité que l’on peut apprécier pour son dixième anniversaire – au visuel nettement plus inspirée que celle, controversée, de 2010 – réunissant entre autres Mark Minkowski et ses Musiciens du Louvre, Christophe Rousset et les Talents Lyriques, ou encore Jordi Savall, qui avec Tous les Matins du monde redonna vie à la viole de gambe et la musique de Marin Marais. A l’image de « Mare nostrum », le célèbre musicien espagnol reprend le concept d’un concert thématique. A Cracovie où plane l’ombre de Copernic – l’astronome y a étudié quatre ans – c’est une compilation de compositions de l’époque qui forme un contrepoint tantôt aux évènements politiques, tantôt à la vie de l’humaniste. Jordi Savall a en effet imaginé une narration musicale suivant un fil chronologique. On y entend les sons de l’Orient, telles la Marche Turque « Turna » ou cette autre page anonyme ottomane,  Makam « Muhayer persev », aux savoureuses sonorités du kaval, de l’oud ou du morisca, embarqués pour un voyage dans l’espace et le temps ponctué de projections lumineuses sur le chœur de l’église Sainte-Catherine.

Bien que transis par le froid-l’église était comme il se doit à peine chauffée et il faisait -6° dehors –  l’on ne peut rester insensible à l’intériorité croissante au fil de la soirée, jusqu’à l’apparition du système solaire de Copernic auréolé d’une lumière bleue nimbant le choeur alors que résonne le dépouillé Proch dolor de Josquin Desprez. Ne reste enfin que les étoiles pour répondre au dernier soupir de Copernic… Une traversée des harmonies célestes qui juxtapose des pages extraordinaires à d’autres plus banales, d’autant qu’elle est servie par des ensembles de premier rang, Hesperion XXI et La Capella Reial de Catalunya. L’on peut seulement regretter qu’aucune information détaillée sur le programme du concert ne soit distribuée systématiquement à l’entrée, tant celui-ci, métaphore baudelairienne avant l’heure, fait se répondre les mots, les sons et les couleurs.

Raretés italiennes

Si l’Orfeo de Monteverdi présenté par La Venexiana placée sous la direction de Claudio Cavina laisse un souvenir mitigé, la soirée « Mater Dolorosa » proposée par Christophe Rousset et ses talents lyriques, présente un intérêt tout autre. Plus connu pour son Stabat Mater, Pergolèse a aussi légué un Salve Regina, où l’on retrouve la même facilité mélodique, alors que la construction dramatique paraît plus lâche. Autre compositeur de l’aire napolitaine du settecento, Leonardo Leo démontre dans le bref Judica me, Deus une inspiration intéressant quoique inégale, à l’instar d’un octuor vocal pourtant composé des meilleurs solistes, tels Emiliano Gonzalez Toro ou Ann Hallenberg. On retrouve d’ailleurs cette dernière dans une cantate très théâtrale de Giovanni Battista Ferrandini, Il pianto di Maria-aidé peut-être par la plume de Haendel… Son instinct dramatique fait merveille dans les récitatifs, même s’il peut sembler trop lyrique et extraverti pour qui chercherait une intériorité religieuse chez la mezzo suédoise.

Enfin, Christophe Rousset retrouve Tommaso Traetta, compositeur du XVIII ème siècle.  Il nous fait partager ce soir sa découverte à Munich d’un inédit Stabat Mater au singulier raffinement. Cette excellence va jusqu’à exercer une émulation sur les interprètes qui donnent alors le meilleur d’eux-mêmes. Marie Espada que l’on entendait trop timidement dans le Pergolèse sonne ici comme transfigurée avec cette impression que l’auditorium de la Philharmonie s’affranchit dans ce final de ses dernières résistances acoustiques.

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