12 avril 2013

Capitale seulement pendant deux siècles, de 1386 à 1596 après Gniezno et avant Varsovie, Cracovie, deuxième ville de Pologne incarne un certain âge d’or de la Pologne, qui s’étendait alors de la Lituanie à la Bohème. En se baladant au milieu d’une myriade d’églises, de places dont la plus célèbre est l’emblématique Rynek (« grand marché », la plus grande place médiévale d’Europe), avec son château et sa cathédrale sur la colline du Wavel le long de la Vistule, le  » cordon ombilical » du pays, on comprend aisément pourquoi la vieille ville, épargnée par la Seconde Guerre mondiale, a été inscrite sur la première liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1978.

Au cœur de la riche aire de Silésie et de Haute-Silésie, dont la tradition industrielle remonte au Moyen-Age avec les célèbres mines de sel de Wieliczka à une douzaine de kilomètres de Cracovie que l’on peut désormais visiter, elle a bénéficié d’un « traitement de faveur » de la part des nazis qui voulaient germaniser la ville. Conséquence prévisible, la forte communauté juive de Kazimierz a été décimée – l’impact étant d’autant plus sensible que la Pologne, qui fut pendant un temps une terre accueillante pour une diaspora essentiellement askhénaze, était avant 1940 l’un des principaux foyers de la culture yiddish. C’est dans ce quartier, situé sur l’autre rive de la Vistule, que Steven Spielberg a tourné La liste de Schindler, retraçant l’histoire de cet industriel allemand qui sauva des juifs en les faisant travailler dans sa firme. Le musée qui lui est consacré, à côté d’une collection d’art contemporain, le MOCAK, récemment inaugurée, d’un intérêt tout relatif, permet de se replonger dans le contexte d’une époque violemment antisémite et de nuancer une philanthropie motivée d’abord par l’intérêt économique – mais l’essentiel n’est-il pas que ce « Juste » ait sauvé des milliers de vies?

Dans les traces de Copernic

La richesse des vingt-huit musées que compte la ville participe de son charme et justifie son statut de véritable capitale culturelle de la Pologne. Bien sûr, il y a l’incontournable colline du Wavel avec son château royal et sa cathédrale Saint-Stanislas-et-Venceslas où sont inhumés rois et gloires de la Pologne. Au musée national, on mesure la force du sentiment patriotique d’un pays  qui avait été rayé de la carte au dix-neuvième siècle, avec tout particulièrement les grandes fresques historiques de Jan Matejko, sorte de peintre officiel de l’époque, qui ne doit pas faire oublier le talent plus original de Michalowski, redécouvert par Picasso en 1948. On ne s’attardera pas sur le Cracovie souterrain, qui tient surtout de l’attraction à touristes, pour lui préférer le musée de l’Université Jagellone, du nom de la dynastie qui a fondé ce qui fut l’un des plus importants centres universitaires d’Europe à la fin du Moyen-Age. Pas étonnant qu’elle eut sur ses bancs de prestigieux étudiants, à l’instar de Nicolas Copernic qui y étudia de 1491 à 1495.

Mais Cracovie, c’est aussi le charme de braver le froid pour se balader dans l’enlacement de rues de la Vieille-Ville, résolument à taille humaine, alors que l’on pourra prendre les fameux tramways bleus pour traverser le fleuve. Le soir, on aura le choix entre la Philharmonie pour un concert symphonique, ou, côté lyrique, l’Opéra et l’Opérette, qui  proposent une programmation de répertoire sans doute provinciale au spectateur blasé de la Bastille. Et ceux que la langue polonaise ne rebute pas pourront s’offrir un bain  de théâtre au Slarocki ou au Vieux-Thêatre. Mais il faudra choisir car on dîne ici entre 18 et 19 heures. Si la tradition gastronomique locale est plutôt roborative, mais relativement bon marché, avec ses inévitales knödels et ses patisseries riches en calories, on pourra se rabattre, avec modération, sur l’incontournable vodka.

Des files d’attentes devant les confessionals

La Pologne c’est enfin une ferveur religieuse sans équivalent en Europe-on y voit les fidèles patienter en ligne pour la confession, tandis que l’avortement y est encadré de façon ultra restrictive, réservé aux cas d’inceste, de viol, de maladie incurable du fœtus ou risque pour la santé de la mère. Une église donc très présente dans la vie civile mais également dans le patrimoine, tel le majestueux triptyque de la basilique Sainte-Marie ou encore, dans la cathédrale royale, un morceau de  relique de Karol Wojtyla, plus connu sous le nom de Jean-Paul II, qui fut évêque de la ville. Et la magie redouble pour le Vendredi Saint, quand, à la nuit tombée, on se promène d’un office à l’autre, au gré des atmosphères et des recueillements. De quoi se consoler d’une vie nocturne bien sage où il ne faut pas espérer trouver beaucoup d’ambiance passé les douze coups de minuit dans des bars sans doute davantage destinés aux touristes qu’à la population locale – à moins d’affectionner les skinheads, légion, comme dans toute l’Europe de l’Est. De toute façon, c’est bien d’histoire et de culture que l’on vient s’abreuver à Cracovie, non?

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