21 février 2013
They loved it!

C’est ainsi que le trader chargé de mettre au point les « subprimes » qualifia la réaction de Wall Street à leur création. Un produit toxique qui mit le feu aux poudres, faisant exploser la bulle immobilière et financière en 2008. Et jeta à la rue des milliers d’Américains qui avaient cru pouvoir devenir propriétaires. Le documentaire Cleveland contre Wall Street de Jean Stephane Bron réalisé en 2010 montre implacablement comment cela a pu intervenir à travers l’exemple de ce quartier de Slavic Village qui fut comme tant d’autres lourdement touché. Et comme Arte, coproducteur de cet exceptionnel témoignage a la bonne idée d’offrir ses programmes en replay pendant sept jours, vous pourrez regarder ci-dessous ce procès fictif qui tenta mieux que quiconque de comprendre comment la cupidité de certains a provoqué la saisine de 20 000 maisons, vidant des quartiers entiers et obligeant 100 000 personnes à retrouver un toit. Poser des questions comme un juge pour mieux comprendre avec la solennité qui accompagne un procès; avoir la version des victimes et des accusés à travers l’interrogatoire des avocats. Aucun figurant, les protagonistes, les vrais sont tous là comme ce policier qui avoue avoir pleuré après l’expulsion d’une vieille femme, ce propriétaire qui a vu trop grand, ce jeune qui va être avec ses parents mis à la rue après la vente aux enchères de sa maison littéralement bradée ou ce trader qui raconte qu’avec des taux à 14% soit deux fois plus que la moyenne, il gagna cent fois plus que sur un crédit classique; lequel à 7 % était déjà impossible à rembourser pour ces gens la plupart sans revenus assez importants pour emprunter. 1000 milliards de dollars, voilà les sommes qui furent en jeu à Wall Street avec ces placements à hauts risques qui firent gagner beaucoup d’argent aux épargnants prêts à prendre des risques. « Je suis un capitaliste, il n’y a rien de mal à faire de l’argent ». Sauf que là, celui-ci fut gagné sur des gens souvent sans éducation, auxquels on proposa des refinancement sur leurs maison en sachant très bien qu’ils n’avaient pas les moyens de rembourser et que « le bonus des traders fut versé avec l’argent de ces pauvres hommes et femmes qui avaient été floués par des courtiers en costumes qui les ont arnaqués » s’insurge Barbara Anderson, une des citoyennes en colère qui a décidé de s’attaquer aux banques en occupant des agences. « Le système implique que les gens soient maintenus dans l’ignorance » raconte une autre, noire comme la plupart des témoins. Car le procès des subprimes, c’est avant tout celui de la pauvreté, des ghettos rongés par le manque d’instruction et des combines qui vont avec, en faisant des proies faciles. Celui des « peu solvables » pour lesquels la commission au courtier était d’autant plus grande et donc permettant toutes les largesses-y compris de falsifier les documents. L’avocat des banques a lui sa version: les pauvres voulaient une maison alors qu’ils n’en avaient pas les moyens et c’est donc leur faute s’ils ont essayé de concrétiser ce rêve, relayé par une politique gouvernementale qui poussa les banques à faciliter l’accès à la propriété. Dérégulation, intervention de l’état, la crise des subprimes c’est aussi le résultat effrayant de la politique de Bush. « Que les banques payent, au pire ils lanceront une autre guerre et j’y enverrai un autre fils ». En une phrase d’un témoin, tout est dit dans cette histoire qui ne fut qu’une péripétie pour les banques renflouées par le gouvernement Obama sans aucune sanction, ni régulation tandis que des familles continuent à dormir désormais dans leurs voitures. Avec cinq voix contre trois alors qu’il en fallait six, les banques ne furent pourtant pas jugées coupables par le jury composé de citoyens. De quoi confirmer que les pauvres ont toujours tort…

AW

 

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