13 mars 2013
Au nom du père

Deux heures dix que vous ne verrez pas passer…Voilà un superbe film choral que signent Guillaume Canet et le réalisateur Christian Duguay pour décrire l’ascension jusqu’à la consécration ultime -une médaille d’or à Séoul en 1988-  du cavalier Pierre Durand et Jappeloup, petit cheval de 1 mètre 58 au garrot -autant dire un nain dans des concours de saut d’obstacles où la moindre barre est à 1m50… Une histoire de couple homme/cheval mais avant tout humaine avec un casting où chacun valorise l’autre, un peu comme ce sport d’équipe qu’est le CSO (concours de saut d’obstacles). Du lad -Lou de Laâge, impressionnante-  à l’entraîneur -Tchéky Karyo, royal-  en passant par l’épouse -Marina Hands, comme à l’accoutumée d’une justesse rare- ,ou les copains –formidable Jacques Higelin-, c’est tous les maillons de la chaîne qui sont montrés ici, ceux qui font que des millions de spectateurs découvrent un jour l’excellence absolue pendant quelques minutes sur un carré de sable. Et qu’ils retiennent leur souffle afin qu’aucune barre ne tombe, le cavalier jouant son va-tout sur chaque obstacle. Des petits concours d’entraînement à l’équipe de France, les chutes, les blessures, les désillusions, les fins de mois difficiles, c’est tout le parcours d’un sportif de haut niveau qui est montré ici avec ce personnage hors norme de Pierre Durand auquel Guillaume Canet offre à la fois sa fragilité et son côté « cash ».

Tension et humanité

Comme lui, il s’est rêvé cavalier de concours ( Marina Hands également) et offre ainsi une justesse bienheureuse sur fond d’années 80 avec les posters de Cheval Magazine, les cassettes audio, les Gitanes bleues sans filtre, les vignettes à coller sur le pare-brise et les Golf GTI quand on voulait épater les copines. Christian Duguay replonge ainsi le spectateur dans toute une époque avec force détails et filme avec virtuosité les scènes de compétition avec suspense et tension grâce à des gros plans sur les barres et les visages des proches. Ces proches qui accompagnent et supportent comme ce père qui fut à l’origine de tout. Il fallait bien un acteur comme Daniel Auteuil pour réussir à jouer ce propriétaire de poney club, plein de sollicitude et d’enthousiasme, auquel Guillaume Canet a offert des dialogues d’orfèvre comme cette scène dans le van avec son fils, là où tout a commencé. Sa photo collée à l’intérieur de sa bombe, c’est sans doute grâce à lui (qui n’est pas pas dans la vraie histoire -mort avant les JO) que Pierre Durand qui a failli être avocat et vendre son crack de cheval a été au bout de son destin, envers et contre les tristes sires comme les journalistes -la scène de la conférence de presse est d’anthologie- ou l’entraîneur, Marcel Rozier, incapable de manager son équipe. Grâce à lui et ce petit cheval noir qu’il apprit à soigner, à « écouter » afin « qu’il ne s’arrête plus » devant les barres, et devienne ce « chat » volant sur les obstacles. Il y mit tout son coeur, lequel s’arrêta de battre à seulement 16 ans, lorsqu’on le mit à la retraite. Et comme les hommes sont des fous, on accusa Pierre Durand de l’avoir « tué » pour toucher l’assurance…

LM

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