27 janvier 2013
Le vent bien soufflé d’Ibrahim Maalouf

C’est LA révélation jazz de ces dernières années. Ses albums s’arrachent chez les disquaires – le rayon de chez Gibert Joseph s’est ainsi vidé de ses disques en l’espace d’une heure sous les yeux médusés d’un vendeur… Que le jazz puisse (re)devenir une musique que chacun soit capable d’apprécier et de s’approprier est un des grands mérites de ce trompettiste franco-libanais. Avec Wind, Ibrahim Maalouf prolonge le succès qui avait accompagné sa « trilogie » dont le dernier élément, Diagnostic (2011), avait déjà fait de son auteur, « l’instrumentiste français (toutes catégories confondues) le mieux vendu en France ces deux dernières années ». Ce dernier opus, paru à l’automne 2012, alterne entre un « cool jazz » assez traditionnel, mais d’une classe feutrée irrésistible et un blues désarticulé et arabisant – le morceau Questions & Ansers en est la plus belle illustration et peut-être le meilleur titre de l’album.

La sonorité orientale avec laquelle il s’est forgé son identité, Ibrahim Maalouf la doit en partie à son père, Nassim Maalouf, qui, dans les années 60, a trafiqué son instrument afin qu’il puisse produire les intervalles de notes typiques de la musique arabe. Actuellement, Ibrahim Maalouf est ainsi le seul musicien au monde à pratiquer ce qu’on appelle la « trompette à quarts de tons » grâce à laquelle il a rendu son œuvre, elle-même, unique.

Une constellation d’étoiles pour origine

Chez les Maalouf, on est trompettiste de père en fils et, si on ne manie pas le piston, on pianote, comme sa mère, Nada Maalouf, ou bien alors on écrit, comme son grand-père Rushdi Maalouf, journaliste, poète et musicologue ou encore, son oncle célèbre, Amin Maalouf, élu à l’Académie Française en 2011. Bref, le jeune Ibrahim est né dans une famille d’intellectuels et d’artistes qui a forcément joué un grand rôle dans son orientation professionnelle. Celle-ci s’est ensuite révélée grâce à une pléiade de collaborations dans le milieu de la pop et de la chanson, qui lui ont permis de diversifier son jeu et ses références. On compte parmi ses nombreux amis de la scène musicale, Amadou et Mariam, Matthieu Chédid, Arthur H, Vincent Delerm, Sting, Juliette Gréco et bien d’autres… On aime ce musicien pour la diversité qu’à lui seul il incarne, la diversité à l’égard des traditions, entre Orient et Occident, mais aussi à l’égard de la musique. En effet, Ibrahim Maalouf ne se contente pas de faire du jazz oriental; ce serait mal le connaître que de réduire son art à cette étiquette, et passer à côté de son esprit rock, de ses rythmiques funk et de l’influence qu’à eue sur lui l’enseignement classique qu’il a reçu au conservatoire. Issues, autre morceau de bravoure à travers lequel Maalouf étend encore le domaine de sa créativité, offre ainsi un jazz progressif contemplatif, sorte de  pendant musical de la peinture abstraite qui orne la pochette du disque. Enfin, Ibrahim Maalouf est aussi un producteur qui a fondé son propre label, pour éditer ses disques évidemment, mais pour promouvoir aussi d’autres artistes. Ce printemps verra paraître notamment la folk jazzy d’Isabel Sörling sur un album où Maalouf jouera du piano. A suivre donc…

Par Romain Breton

Wind de Ibrahim Maalouf, Mi’ster Productions, 17, 50 €. En concert le 27 Avril à la Salle Pleyel.

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